"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')

dimanche 4 novembre 2007

Terminus sur la ligne 13


Point final (au moins pour cette année) sur cette affaire Guy Môquet. Le mauvais procès de récupération intenté contre Sarkozy par les enseignants obtus m'a, vous le savez, énormément exaspéré.



C'est Bernard-Henri Lévy, dans sa chronique de l'hebdomadaire "Le Point" qui me semble apporter le commentaire le plus juste sur la pathétique "bronca" des fonctionnaires rétifs de l'Education Nationale.



Je résume, avant de reproduire le texte de BHL : oui, il fallait lire avec respect la lettre de Môquet aux jeunes Français d'aujourd'hui, sans en faire toute une histoire. Il fallait juste en faire de l'Histoire.



Voici donc BHL :









(…) Identique sentiment de gêne face à ce qu’il faut bien appeler la polémique Guy Môquet. Car enfin... Les professeurs pouvaient, après qu’ils l’avaient lue, faire le commentaire qu’ils voulaient de la lettre du jeune martyr.



Ils pouvaient, s’ils le souhaitaient, aider leurs élèves à la resituer dans le contexte historique qui fut le sien.



Rien ne leur interdisait de rappeler, par exemple, comment Môquet fut arrêté à un moment où son parti en était encore à prôner, pacte germano-soviétique oblige, la « fraternisation » avec les « prolétaires en uniforme » qu’étaient les soldats de la Wehrmacht.



Mais refuser le principe même de cette lecture au motif que l’ordre venait d’ailleurs, parler d’instrumentalisation de l’Histoire et d’outrage à la mémoire sous prétexte que l’idée était issue de l’autre bord, crier, tel Harpagon, « ma cassette, ma cassette » sous prétexte qu’un président de droite, quels que soient ses calculs et arrière-pensées, installait au panthéon des républicains une figure de la Résistance communiste, enrôler, autrement dit, ce jeune mort dans des polémiques politiciennes où il n’avait que faire, voilà qui fut, à la fois, nauséabond et vain.



A ceux que cette affaire a enflammés, j’ai envie de dire ceci. Primo : que rien ne leur interdisait, depuis soixante ans et plus, d’avoir la même idée et d’honorer donc, eux-mêmes, leurs morts.



Secundo : qu’il y a assez de légitimes querelles à faire à ce régime (discours de Dakar, tests ADN, immigration choisie...) pour ne pas en inventer d’idiotes.



Tertio : que je préfère, à tout prendre, un Sarkozy leur volant l’idée qu’ils n’ont pas eue à celui qui, pendant la campagne, ne cessa de répéter que la France n’avait, sous Vichy, « pas commis de crime contre l’humanité » (sic)...




©LE POINT

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Si l'on en croit les chiffres du ministère de l'Education Nationale ( et l'on ose imaginer une seconde qu'ils pussent être faux) , 95% des lycées avaient opté pour la lecture , par au moins un professeur, de la dite lettre.

On imagine aisément qu'au vu de l'accueil plus que mesuré qu'à eu la profession vis à vis de cette injonction grotesque que BHL lui même ne semble pas trouver des plus opportunes, les commentaires et mises en perspectrive qu'il suggère dans son papier ont largement dûs être faits.

Même si les enseignants en question n'avaient pas encore eu la chance et le bonheur de lire la prose BHLienne les invitant àrégir intelligemment.

Au demeurant, cette rocambolesque affaire de la lettre n'aura été qu'un épiphénomène, aussitôt oublié, dans la pantalonnade générale, qui voit chaque jour ou presque fournir son lot de rebondissements , provocations, indécences et hérésies qui permettent à notre bon président d'exceller dans le seule domaine où il ait quelque compétence : l'occupation hégémonique de l'espace médiatique.

Je ne me lasse pas de contempler cette trajectoire dont on devine si facilement l'issue.

Mais y a t il un bug sur ce blog , je dois systématiquement me réinscrire ?

Anonyme a dit…

Lu dans le Figaro…
22 octobre 2007

Par Michel Ségal, Professeur de collège en ZEP.

Je suis enseignant de collège et je ne lirai pas la lettre de Guy Môquet à mes élèves.

Je ne leur lirai pas parce qu’ils seraient bien incapables d’en comprendre le sens profond, et même d’en comprendre les mots qui la composent ; parce que notre école demande aux enfants de réinventer eux-mêmes les règles d’écriture ou de syntaxe. Je ne la lirai pas parce que depuis une trentaine d’années, l’école leur apprend le mépris du patrimoine et la méfiance du passé. Je ne la lirai pas parce que cette lettre me fait honte, honte de la maturité d’un adolescent il y a plus de soixante ans face à l’infantilisation construite par notre école de ceux du même âge aujourd’hui. Je ne la lirai pas parce que nos enfants ignorent les événements auxquels elle se réfère ; parce que notre école préfère par exemple demander à des enfants d’analyser des « documents » plutôt que de leur enseigner des dates et des événements. Je ne la lirai pas parce qu’il y a longtemps que l’école refuse de transmettre aucun modèle ; parce que notre école n’envisage plus les textes d’auteurs comme des exemples mais comme des thèmes d’entraînement à la critique. Je ne la lirai pas tout simplement parce que notre école a délibérément détruit l’autorité qui pourrait permettre une lecture et une écoute attentives.

Je ne la lirai pas parce que, même âgés de 16 ans, mes élèves ne sont que de petits enfants bien incapables d’appréhender son contenu et resteront sans doute ainsi toute leur vie : ainsi en a décidé notre école. Peut-être ne me croyez-vous pas car l’école que connaissent vos enfants ne ressemble en rien à celle que j’évoque ? En effet, j’ai peut-être oublié de vous préciser l’essentiel : je travaille dans une ZEP, c’est-à-dire là où peuvent être appliquées à la lettre et sans risque de plainte toutes les directives ministérielles, là où se préfigurent l’horreur et la misère du monde construit par notre école.

Non, Monsieur le Président, je ne lirai pas la lettre de Guy Môquet tant que n’auront pas été engagées les réformes structurelles du ministère de l’Éducation nationale qui mettront fin à la démence toute puissante des instances coupables des mesures les plus destructrices de tout espoir de justice sociale, tant que n’auront pas été engagées les réformes pour que l’école cesse de conforter les enfants dans leur nature d’enfants, pour que l’école accepte enfin de remplir sa seule mission : instruire.