"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')

mercredi 25 juin 2008

Essence ou existence, ça nous pompe.


On fait le plein d'un gros 4x4 gourmand à Caracas, capitale du Venezuela, pour environ un Euro. Oui, un Euro pour tout un réservoir. Le Venezuela, pays producteur, grâce à ses sociétés pétrolières étatisées, subventionne à outrance le tarif à la pompe pour le maintenir au plus bas.

Dans ce pays, le prix des carburants pour les consommateurs n'a pas bougé depuis 10 ans. Coût de cette aberration : plus de 10 milliards de dollars par an en subventions publiques, une somme que l'état vénézuélien pourrait dépenser plus utilement dans des programmes sociaux, par exemple.

Mais Hugo Chavez, le potentat local, n'a pas ce genre de préoccupation. Il se souvient qu'il y a presque vingt ans, le régime qui était en place avant lui n'avait pas résisté à la répression sanglante contre une révolte populaire à propos d'une augmentation subite de 30 % des carburants.

Chavez, populiste avisé, ne touchera jamais au prix de l'essence. Etonnante performance : l'essence coûte quatre fois moins cher au Venezuela qu'en Arabie Saoudite, où pourtant elle est déjà très bon marché. Au Venezuela, un litre d'eau minérale coûte dix fois plus cher qu'un litre d'essence !

Dans le même ordre d'idée, je signale que le salaire moyen annuel (oui, annuel!) en Corée du Nord (l'opaque dictature communiste) est de 650 Euros par personne. Ce qui fait moins de 2 Euros par jour. En calculant à la louche la parité dollar/euro, avec ces 2 Euros, il y a tout même de quoi se payer environ 3 litres d'essence au Venezuela !

lundi 23 juin 2008

Ducasse-toi, pauvre con !


Ils sont 8000 au total. 8000 sur 6 milliards 700 millions d'habitants de la planète "Terre". Je suis nul pour calculer les pourcentages, mais, à vue de nez, c'est un club fermé, un carré "VIP" très resserré.

Sur notre bonne vieille planète où un milliard de personnes vivent avec moins de 1 dollar par jour, il y a officiellement 8000 sujets de son Altesse Sérénissime, le Prince Albert II de Monaco.

Il y a 8000 Monégasques, parmi lesquels, désormais, le célébrissime chef Alain Ducasse. Une ordonnance du Prince Albert II, mise en ligne aujourd'hui dans le bulletin officiel de la Principauté, indique qu'Alain Ducasse est naturalisé monégasque et "comme tel, jouira de tous les droits et prérogatives attachés à cette qualité".

Pour sûr, il va jouir, Alain, de tous ses droits et prérogatives.

Comme citoyen de Monaco, Alain Ducasse ne payera plus d'impôt sur le revenu, plus d'impôt sur la fortune et un impôt sur les successions très faible. C'est bien simple : un Monégasque ne sait pas ce que c'est qu'une feuille d'impôts.

Alain Ducasse perd du même coup sa nationalité française, qui est incompatible avec la nationalité monégasque.

Alain Ducasse, 51 ans, est propriétaire d'un groupe de restauration qui emploie 1.900 personnes dans le monde. Parmi ces établissements, le Louis XV, un restaurant trois étoiles situé dans le centre de Monaco, et le restaurant Alain Ducasse au Plaza Athénée à Paris, également trois étoiles, figurent en tête du palmarès.

Le groupe Ducasse compte 21 restaurants au total, répartis dans huit pays, quatre petits hôtels de luxe, un centre de formation professionnelle et une école de cuisine à Paris, sans compter une école de pâtisserie et une maison d'édition.

Le groupe est présent en Europe (France, Monaco, Angleterre et Italie), en Asie (Japon et Hong Kong), Amérique du Nord (New York et Las Vegas) et en Afrique (île Maurice).

Alain Ducasse, fils d'agriculteur, élevé dans un petit bourg des Landes, a commencé à travailler à seize ans après avoir claqué la porte de son lycée hôtelier.

En engageant Alain Ducasse au Louis XV, en 1987, la Société des Bains de Mer (SBM), qui gère un important patrimoine hôtelier et de restauration à Monaco, en plus des casinos, avait assorti son contrat d'une clause impérative: Ducasse devait décrocher trois étoiles pour le restaurant dans un délai maximum de quatre ans.

Pari plus que gagné: le guide Michelin récompensait le restaurant 33 mois après sa reprise par Alain Ducasse.

L'obtention de la nationalité monégasque intervient par une décision "souveraine" du Prince Albert II au terme d'un processus long et semé d'obstacles.

Il faut que la "bonne moralité" du candidat soit bien établie et qu'il possède une résidence à Monaco. La liste d'attente est longue. Alain Ducasse a attendu plus de 20 ans dans l'antichambre monégasque.

Le climat est agréable à Monaco. Surtout le climat fiscal. On se plaint parfois de la fuite des cerveaux. Ici, on assiste à la fuite des marmites. Et surtout à la fuite du fric !

Il me semblait pourtant que Nicolas Sarkozy, dès son arrivée à l'Elysée, avait installé un "bouclier fiscal" destiné à inciter les riches à rester en France en leur promettant de ne pas ponctionner à l'excès leurs profits par la fiscalité. Alain Ducasse, le bouclier de Sarko, il s'assoit dessus !

Vous vous souvenez de Nicolas Sarkozy au salon de l'agriculture envoyant dans la bordure un malotru ? Il lui avait lancé : "Casse-toi, pauvre con !"

J'ai envie d'adapter l'invective présidentielle de cette façon : "Ducasse-toi, pauvre con !"

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rectificatif : je suis étourdi - dans la première version de ce texte, j'avais bêtement oublié 3 milliards de personnes sur la planète. Etourderie rectifiée !

dimanche 22 juin 2008

Etienne Daho, pour mémoire


J'écoute une nouvelle fois le dernier album d'Etienne Daho ("L'invitation").

La chanson "Boulevard des Capucines" est une merveille d'émotion, de douleur, d'amour filial.

J'aime la chanson française. Etienne Daho, avec sa discrétion, sa pudeur, sa poésie sans affèterie, sert bien cette chanson française depuis environ 30 ans.

C'est ce que je voulais écrire ici ce soir, en passant. Pour mémoire. Une sorte de pense-bête pour moi-même que je partage avec vous qui me lisez, ici ou ailleurs.

samedi 21 juin 2008

Carla et la voix de Ségolène


Cinq pages dans Libé sur Carla Bruni. Le quotidien de gauche se contorsionne pour publier une longue interview accompagnée de petits textes destinés à marquer la distance.

Carla Bruni, dans l'interview, se révèle prudente et intelligente. Elle ne dit jamais "Nicolas" ou "le Président". Elle dit toujours "mon mari".

La partie que préfère concerne Ségolène Royal. Voici les questions de Libé et les réponses de Carla Bruni.



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Dans un journal américain, vous aviez dit que vous n’aimiez pas beaucoup Ségolène Royal. Que lui reprochez-vous ?

Sa voix.

Pourquoi sa voix ?

Elle ne me dit rien.

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Réponse parfaite. Bravo, Carla !

jeudi 19 juin 2008

Les gens du voyage...


"Le suspect appartient à la communauté des gens du voyage".

C'est ce qu'on lit et entend ces jours-ci après l'arrestation de l'homme soupçonné d'avoir tué une institutrice à la retraite à Nantes. Le corps de la victime, découpé en morceaux, a été retrouvé réparti dans deux valises.

"La communauté des gens du voyage".

C'est une expression singulière, utilisée à outrance par les médias.

En fait, après une petite enquête, je découvre qu'elle provient du langage administratif et de deux décrets de 1972 relatifs à la loi de 1969 sur "l'exercice des activités économiques ambulantes". Grâce soit rendue ici au Législateur !

C'est donc cette formulation technocratique qui a supplanté, dans le lexique médiatique, d'autres appellations que l'on utilisait auparavant pour désigner des nomades qui le sont de moins en moins.

Jadis ou naguère, on disait : Les Manouches, les Bohémiens, les Roms, les Romanichels, les Romanos, les Tsiganes, les Gitans. On pensait très fort (sans le dire) : les voleurs de poules.

Dès le Moyen Age, cette minorité très diverse a eu mauvaise réputation,. On la connaît mal, on l'évite. Pour la laisser dans le flou, les pouvoirs publics de la Cinquième République ont donc inventé cette étiquette aseptisée : "les gens du voyage".

Cette expression est inepte. Elle est d'abord largement fausse car cette population est majoritairement sédentarisée. On estime que 15% seulement des "gens du voyage" voyagent encore.

"Les gens du voyage", ça ne veut rien dire. Le contrôleur de la SNCF, l'hôtesse d'Air France, l'employé de 'Nouvelles Frontières', le conducteur de métro ne sont-ils pas, bien davantage, des "gens du voyage" ?

Je m'interroge sur les médias qui ne manquent jamais de souligner l'appartenance du moindre délinquant à "la communauté des gens du voyage", alors qu'il est désormais très mal vu dans la presse écrite ou audio-visuelle de dire qu'un voyou est noir ou arabe. Ce serait raciste. Mais "les gens du voyage" peuvent être stigmatisés à loisir.

Franchement, qu'est-ce que ça change de savoir que le présumé découpeur de cadavre de Nantes appartient à la "communauté des gens du voyage" ? Ou alors, les plumitifs à la petite semaine se réjouissent-ils d'associer le mot "voyage" aux "valises" où les morceaux de l'institutrice morte ont été retrouvés ?

Comment désigner les minorités ? Dans ma prime jeunesse, on ne disait pas "maghrébin". La guerre d'Algérie était encore proche. On disait : "Nord-Africain" quand on était poli. On entendait aussi, plus couramment : raton, crouille, bougnoule.

Même chose pour les homosexuels. Aujourd'hui, quand on veut faire politiquement correct, on dit "gay". C'est un mot idiot d'importation américaine.

Pour rester sur le même paradigme, on entend le plus souvent "pédé", expression péjorative, détournée positivement par beaucoup d'homosexuels qui la revendiquent pour se désigner eux-mêmes.

Du temps de Marcel Proust ou d'André Gide, on disait sobrement "inverti".

Aujourd'hui, le vocabulaire fleuri ne manque pas : pédale, tarlouze, tafiole. Le mot le plus usité comme injure suprême dans les stades de foot et dans les cours de récréation, c'est : "enculé". Ça a le mérite d'être clair.

Alors comment, en termes choisis, décrire une liaison amoureuse entre un maghrébin et un autre homme, "issu de la communauté des gens du voyage" ?

Je vous laisse le soin d'imaginer les combinaisons de vocabulaire, grâce au lexique (non exhaustif) que j'ai égrainé dans les lignes qui précèdent.

mercredi 18 juin 2008

ORTF


Grève des personnels de l'audio-visuel public ! Manif dans les rues de Paris ! Programme minimum sur France-Info qui se met à diffuser du Sibelius à l'heure du déjeuner ! Grand débat très préoccupé sur France-Inter ! L'organe central des bobos de gauche, "Télérama", n'est pas en reste en nous proposant un épais dossier présenté en couverture sous le titre : "Non à une télé publique au rabais".

Aujourd'hui, la commission présidée par Jean-François Copé tenait sa dernière séance publique avant de remettre son rapport la semaine prochaine. La commission Copé a pour mission de préparer le service public de l'audio-visuel à la suppression de la publicité, suppression décidée, d'un coup de tête, en janvier dernier, par Nicolas Sarkozy.

Je vais ici modestement apporter ma pierre à l'édifice.

D'abord, pour revenir sur la formule de "Télérama" ("Non à une télé publique au rabais"), je fais remarquer que l'avons déjà, cette télé publique au rabais.

C'est bien France 2 qui emploie depuis des années Patrick Sébastien pour un 'prime-time' putassier du samedi soir.

C'est toujours France 2 qui engage pour l'été (et plus, si affinités) Patrick Sabatier, ressurgi par miracle des bas-fonds cathodiques.

C'est encore France 2 qui embauche à la rentrée Julien Courbet, mis à l'écart par TF1.

C'est ça le service public dont on rêve ? Non, mais c'est celui qu'on nous propose déjà.

Je formule donc ma première proposition : privatiser France 2 qui est déjà un clone médiocre de TF1. Entre médiocres, ils devraient s'entendre.

Pour France 3, la solution est tout aussi évidente. Il faut découper le monstre en petits morceaux. Cette société publique est un mammouth obèse au personnel pléthorique engoncé dans une épaisse couche syndicale. Il faut tailler dans le vif et totalement décentraliser France 3 en créant une dizaine de chaînes ancrées sur un territoire, en liaison avec la presse quotidienne régionale.

Les deux autres chaînes de France-Télévisions (France 4 et France 5) sont probablement les plus intéressantes et elles peuvent constituer le socle d'un service public de qualité qui resterait financé par la redevance. Le rapport qualité/prix de France 4 et France 5 est excellent. C'est de la bonne télé qui n'est pas dispendieuse.

Pour l'Outre-Mer, les programmes de RFO doivent continuer, hélas, à être subventionnés par le contribuable. Un peu plus, un peu moins, les DOM-TOM, ça coûte tellement cher pour être tranquille qu'on ne va pas chipoter pour une telle broutille.

La chaîne Arte, c'est un dossier à part : c'est un condominium franco-allemand. C'est une machine hybride qui, finalement, fonctionne de manière intéressante, pour un budget relativement modeste. Au nom de la construction européenne et comme rempart à la franchouillardise, il faut préserver Arte.

Pour ne pas compliquer les choses, je laisse de côté les autres chaînes qui reçoivent de l'argent public : France 24, Euronews, TV5 Monde.

Un mot tout de même sur le scandaleux furoncle des télés parlementaires : 'Public Sénat' et 'LCP-Assemblée Nationale'. Ce sont deux chaînes à l'audience infinitésimale, mais très dépensières. Ces deux chaînes confidentielles arrondissent avantageusement les fins de mois de gloires passées ou présentes de médiatocratie, à commencer par Jean-Pierre Elkabach qui préside Public Sénat. Ces deux télés parlementaires sont entièrement financées par le contribuable, sans aucun contrôle d'une quelconque autorité. Elles s'autogèrent avec des fonds publics. Ces deux chaînes sont des boulets pour les citoyens mais constituent de juteuses prébendes pour ceux qui passent à la caisse (caisse publique) après être passés devant la caméra.

Alors, je résume.

-France 2 : on privatise sans hésiter.
-France 3 : on découpe et on largue.
-France 4 et France 5 : on garde dans le public parce que c'est plutôt bien fait pour pas beaucoup d'argent.
-L'Outre-Mer avec RFO, on conserve parce qu'avec l'Outre-Mer, il faut toujours raquer pour avoir la paix.
-Arte, c'est un modèle original, pas tellement coûteux, qui mérite d'être perpétué.
-Les chaînes parlementaires : un scandale démocratique, un refuge pour planqués de l'audio-visuel, notre version contemporaine des écuries d'Augias qu'il convient de nettoyer au Kärcher.


Dans ce débat, j'avance un autre solution encore plus radicale, inspirée des Etats-Unis. Les Américains disposent d'un magnifique réseau de télé publique : PBS. Et aussi d'un formidable réseau de radio publique : NPR. Pas de pub et pas de redevance pour les Américains. Mais tout de même une télé très exigeante, très culturelle, diffusée dans tout le pays et un réseau de radio de très grande qualité enrichi par de nombreux décrochages locaux ou régionaux. Cette radio (NPR) est en tête des audiences dans certaines villes comme Boston et San Francisco. Et la télé (PBS) offre chaque soir le journal télévisé le plus intelligent qui puisse exister avec, en prime, des documentaires ou des enquêtes exceptionnels. Je citerai par exemple, dans ce que j'ai pu voir, les séries du réalisateur Ken Burns sur la guerre de Sécession ou sur le jazz : des sagas de grande ampleur, d'une grande richesse, diffusées sur plusieurs semaines, comme je n'en ai jamais vu à la télévision française.

La radio et la télévision publiques existent aux Etats-Unis, dans ce pays affreusement capitaliste, horriblement libéral. Cette radio et cette télé existent sans redevance ni publicité. Quel est le secret du financement ? Il est double : le mécénat des grandes entreprises qui, en contrepartie, sont brièvement citées dans les génériques et aussi les dons des auditeurs et téléspectateurs.

Oui, certains Américains donnent volontairement de l'argent pour faire fonctionner une radio et une télé qui correspondent à leurs aspirations.

Belle leçon pour les Français qui râlent dès que l'on évoque une nécessaire augmentation de la redevance audio-visuelle.

La radio et la télé publiques ne sont pas un droit. C'est un service. Ça doit se payer, d'une façon ou d'une autre. Si ça ne vous plait pas, rien ne vous oblige à regarder. Si vous ne regardez pas, si vous renoncez à votre récepteur, on ne vous demandera rien. Sinon, vous payez. Compris ?

mardi 17 juin 2008

Branche morte...


C'est devenu compliqué notre histoire. Il faudrait peut-être que j'utilise une majuscule. C'est devenu compliqué notre Histoire !

Sous mes fenêtres, alors que j'écris ces lignes, j'entends passer le sempiternel défilé des lamentations syndicales : CGT, CFDT et leurs comparses habituels.

Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi ! Le syndicalisme français est un plaie, un énorme boulet que l'on reconnaît sans peine à ses attributs : des pancartes jaunies, des slogans éculés, une représentativité chétive, des revendications incohérentes.

Il serait tellement préférable, pour notre pays, que nous puissions nous appuyer sur des syndicats, forts et vrais, des organisations ancrées dans la modernité, dans l'époque contemporaine.

La mondialisation ? Oui, c'est dur. Mais c'est la réalité. La refuser, c'est comme dire "non" au rythme des marées.

La CGT, sous mes fenêtres alors que j'écris ces lignes, d'une de ses camionnettes, diffuse par haut-parleurs une chanson de Boris Vian ("on n'est pas là pour se faire engueuler, on est là pour voir le défilé…"). Boris Vian, oui, bonnes gens ! Les caves de Saint-Germain-des-Prés, l'existentialisme, Juliette Gréco, l'après-guerre, ce sont les références de la CGT en 2008. Avouez qu'il y a de quoi être franchement désorienté ! C'est comme Besancenot qui exalte le culte de Che Guevara. Dans le genre gaucho-rétro qui a tout faux, ce n'est pas mal non plus !

La France n'est pas encore assez malade pour accepter d'être soignée par un vraie purge, une saignée. C'est ce qui nous pend au nez, vous le savez sans doute.

Les 35 heures : une calamité. Les déficits publics : un gouffre abyssal. La part de l'emploi public et para-public en France : 54% du PIB. C'est intenable et absurde.

Les individus inutiles et subventionnés pullulent néanmoins, pas seulement dans nos forces armées, pléthoriques et encalminées. Sarko semble enfin décidé à secouer la fourmilière militaire.

Mais il convient aussi d'arracher les branches mortes à la Banque de France, dans les Douanes, dans les stations régionales de France-3, au ministère de l'Economie et des Finances (toutes ces "directions" qui ne vont nulle part), dans les Préfectures et Sous-Préfectures, dans nos trop multiples ambassades et consulats. Ma liste n'est pas exhaustive.

Il faut, le plus vite possible, trancher dans le vif et couper dans le lard. Sinon, soyons clair, c'est la mort à petit feu, tout simplement.

lundi 16 juin 2008

Souffrir par toi n'est pas souffrir....


Les épreuves de philo au bac aujourd'hui :

Série L (littéraire) coefficient 7:
- La perception peut-elle s'éduquer ?
- Une connaissance scientifique du vivant est-elle possible ?
- Expliquer un extrait des "Cahiers pour une morale" de Sartre.

Série S (scientifique) coefficient 3:
- L'art transforme-t-il notre conscience du réel ?
- Y a-t-il d'autres moyens que la démonstration pour établir une vérité ?
- Expliquer un extrait de "Le monde comme volonté et comme représentation" de Schopenhauer.

Série ES (économique et social) coefficient 4:
- Peut-on désirer sans souffrir ?
- Est-il plus facile de connaître autrui que de se connaître soi-même ?
- Expliquer un extrait de "De la démocratie en Amérique" de Alexis de Tocqueville

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Le meilleur sujet, c'est dans la série ES : "Peut-on désirer sans souffrir ?".

Moi, j'aurais commencé par inverser la proposition (c'est comme ça qu'on fait en maths pour y voir clair) : "Peut-on souffrir sans désirer ?". Avouez que ça change totalement la perspective.

Ensuite, pour désorienter le correcteur de la copie, probablement frustré dans sa sexualité de fonctionnaire de l'Education Nationale menacé par le méchant Darcos et son sécateur émasculateur qui coupe les postes, j'aurais immédiatement associé le désir au plaisir. Le plaisir comme contrepoison de la souffrance, ça, c'est imparable.

Et puis, pour faire bonne mesure, j'aurais cité un grand philosophe français méconnu, Etienne Roda-Gil (1941-2004), parolier de chansons qui écrivit ceci pour Julien Clerc : "Souffrir par toi n'est pas souffrir." C'est une magnifique déclaration d'amour qui clôt presque le débat.

Dans ma copie de bac, j'aurais ensuite cité quelques personnages contemporains. Jean Sarkozy, 21 ans, fils de son père, réalise un joli hold-up politique dans les Hauts-de-Seine, étape par étape. Jean Sarkozy désire sans souffrir. Désir d'avenir, disait Ségolène Royal. Mais elle, elle a souffert !

Autre exemple dans l'actualité : les zazous de l'équipe de France de football et leur improbable gourou Domenech. Les Bleus (très pâles) nous font souffrir mais n'ont plus aucun désir. Ils sont l'ultime démonstration de la souffrance sans désir.

dimanche 15 juin 2008

Un train d'enfer

Je suis du genre à râler et à écrire.

Alors, aujourd'hui, j'ai écrit en râlant.

L'objet de mon courroux ? Tout simplement la difficulté extrême de se sustenter à bord de nos magnifiques trains ultra-rapides que le monde entier nous envie.

J'ai donc écrit à la "Compagnie des Wagons Lits", avec copie à la direction de la SNCF. Il n'y a plus de 'wagons' (on doit dire 'voitures') et il n'y a plus de 'lits'. Mais il y a toujours une "Compagnie des Wagons Lits". C'est ça, le charme suranné de la France ferroviaire.

Voici mon libelle :


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J'ai voyagé aujourd'hui à bord du TGV XXXX. Je suis monté en gare de XXXX à 11 h 11 et le train est arrivé à l'heure à la Gare de XXXX à 16 h 15.

Je précise que ce TGV était complet en première et en deuxième classes. Il s'agissait donc d'un train bondé circulant à l'heure du déjeuner.

Quel service était offert par votre filiale "Tout & Bien" qui a la concession de la restauration à bord des TGV ? La réponse est simple : un service inepte que l'on pourrait rebaptiser : "Rien & Mal".

Pour servir les nombreux voyageurs d'un TGV archi-complet à l'heure du déjeuner, il n'y avait dans la voiture-bar qu'un seul employé, tout à fait débordé, malgré sa bonne volonté. Pour des raisons d'économie et de rentabilité, vous forcez cet employé unique à réaliser toutes les tâches à la fois pour chaque client : prendre la commande, collecter les produits commandés, réchauffer ce qui doit l'être et procéder à l'encaissement.

Même avec beaucoup de dextérité, il est impossible à une seule personne de consacrer moins de 5 minutes à chaque client en réalisant tous les gestes demandés.

C'est ce que j'ai eu tout le temps d'observer en faisant la queue. Avec seulement une douzaine de clients en attente, celui qui est le dernier de la file est contraint de patienter une heure. J'ai attendu personnellement 50 minutes pour me faire servir et la plupart des marchandises n'étaient plus disponibles.

Ce système de la voiture-bar du TGV avec un seul employé est absurde et totalement archaïque. Il devient urgent de le repenser, sur toutes les lignes fréquentées, en particulier à l'heure des principaux repas.

Les tarifs élevés que vous pratiquez devraient vous permettre de mettre en place un service plus convenable pour les clients du TGV. Il n'est pas admissible que le Train à Grande Vitesse soit associé à une Restauration à Petite Vitesse.

Ce que j'ai enduré aujourd'hui en voyageant m'a rappelé les files d'attente devant les boutiques d'Etat en URSS du temps de Leonid Brejnev. Est-ce l'image que votre société souhaite donner d'elle-même ?

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Ainsi se conclut l'expression de mon ire à grande vitesse. Je doute fortement que ma missive soulève rapidement une réponse appropriée. Peu importe : je suis soulagé déjà de l'avoir envoyée.

samedi 14 juin 2008

La France à qui perd gagne...

On ne gagne pas mais on joue vraiment bien. On perd mais on est les meilleurs. C'est ça la France du football. C'est ça la France tout court.

Magnifique démonstration de notre aveuglement béat : hier soir après le match de l'Euro 2008 contre les Pays-Bas. L'équipe de France a encaissé 4 buts ! Thierry Henry a sauvé l'honneur tricolore flétri en trompant furtivement, une seule fois, la vigilance du gardien néerlandais. Résultat (vous le connaissez) : 4 à 1.

Humiliation totale ? Pas du tout. Car Thierry Henry, juste après ce match honteux, est dans les vestiaires. Devant les caméras de TF1, il déclare en substance que c'était un bon match, que l'équipe de France a bien joué, qu'elle s'est créé des nombreuses "occasions". C'est le mot que je préfère en football : "occasion". On a eu l'occasion mais on en n'a pas vraiment profité. L'équipe de France de football est une équipe d'occasion, une équipe de deuxième main. Occasion à saisir !

Ces mêmes footballeurs tricolores, les avez-vous entendus en début de semaine après leur pitoyable match nul (0-0) contre la Roumanie ? Ils ont dit d'abord : il faisait chaud. Chaud en Suisse un soir de juin ? Vérification faite, il faisait ce soir-là 23° sur la pelouse. Pas vraiment tropical. Au passage, il faisait chaud aussi pour les Roumains, me semble-t-il ! Exactement la même température, probablement. L'autre argument des Français est stupéfiant : les Roumains ont cassé le jeu, ils n'ont pas joué. Ah bon ? Sur le terrain, il y a deux équipes : si l'une refuse d'entrer dans le jeu, l'autre à toute latitude pour le faire.

Mais l'essentiel n'est pas là : nulle ou grande perdante, l'équipe de France de football reste la plus méritante, la plus éclatante, celle qui joue vraiment bien le football idéal. On va de défaite en défaite, mais à chaque fois, on est toujours au plus près de la perfection.

C'est comme le fameux "modèle social français". Il est en lambeaux, il agonise. Mais c'est vraiment le meilleur, celui que le monde entier nous envie. C'est du moins ce que nous avons la faiblesse de croire. Nous sommes les fiers gardiens de nos ruines. Sous les décombres de nos illusions, nous nous rengorgeons. La France n'a aucune raison d'avoir le triomphe modeste car sa défaite est époustouflante.

jeudi 12 juin 2008

Bonjour tristesse...


Cette semaine à la radio, j'ai entendu cette question dans un jeu : "Dans le film 'Sagan' qui vient de sortir sur les écrans, qui interprète le rôle de Françoise Sagan ?"

Réponse du candidat : "C'est Pierre Palmade."

Sans commentaire.

dimanche 8 juin 2008

Poivre aux mines de sel.


Encore un chômeur de plus. Ça va mal en France, moi je vous le dis. Et l'emploi des seniors, c'est un vrai problème.

Une affreuse entreprise tentaculaire et capitalistique vient de mettre sur la touche un de ses salariés, tout juste âgé de 60 ans.

Il avait pourtant fait l'affaire pendant plus de 20 ans.

Loyal, ponctuel, l'employé Patrick ne faisait pas d'histoires. Il était même drôlement rentable, même si ces derniers temps son rendement commençait à fléchir.

Univers impitoyable : on lui retire brusquement son job et on met à sa place une pimpante quadragénaire.

Oui, Patrick doit laisser son fauteuil et son bureau à une femme vingt ans plus jeune que lui !

Patrick n'a jamais détesté le femmes jeunes et jolies. Mais de là à accepter que l'une d'elles le pousse vers la retraite !

Vous m'avez compris : Patrick Poivre d'Arvor est chassé du 20 heures de TF1.

En Septembre, il sera remplacé par Laurence Ferrari. Celle-ci, naguère à TF1, s'était repliée à Canal + en attendant des jours meilleurs.

Elle n'a pas attendu longtemps car la voici propulsée sur le piédestal le plus convoité de l'audio-visuel hexagonal.

Exit PPDA ! Et dire que ça arrive juste quelques jours après le mort de la chienne de Michel Drucker ! C'est la loi des séries. Que du malheur partout...

Sale coup au passage pour les "Guignols" de Canal +.

La marionnette du présentateur vedette de TF1 était le pivot central de la séquence satirique.

Que de reconversions en perspective !

La sélection est un piège à cons. Tant mieux.


Je termine la lecture d'un petit bouquin chargé de venin et de talent. L'auteur est prolixe : trente-neuf livres dont celui-ci. Il a exactement mon âge. Dire que je n'ai pas encore pondu le moindre opuscule !

Rage et jalousie. Passons.

L'écrivain dont il est question est Richard Millet et son dernier ouvrage s'intitule : "L'opprobre, essai de démonologie." C'est publié dans la "collection blanche" de Gallimard. Ce n'est pas une surprise car Richard Millet est l'un des gourous du comité éditorial de cet éditeur. On n'est jamais mieux servi que par soi-même.

Richard Millet avait supervisé et accompagné la gestation du livre de Jonathan Littell "Les Bienveillantes", triomphe historique pour Gallimard. Ce qui n'empêche pas Millet d'être désormais fâché à mort avec Littell.

Richard Millet n'est pas un garçon facile. Il est d'une folle exigence. Ce cadre supérieur de Gallimard semble être en guerre, non seulement avec les romanciers, mais aussi, et c'est plus troublant, avec tout le genre romanesque en tant que tel.

Son petit livre crispé dont j'achève une lecture en pointillé (c'est possible et même conseillé car le volume se compose uniquement d'aphorismes et de notules éparses) est truffé d'observations décapantes, parfois odieuses, souvent lucides.

Je lis ceci que je ne cautionne pas :

"Dans ce wagon de métro qui m'emmène vers la banlieue nord de Paris, et où je suis le seul Blanc, et, sans doute, le seul Français, je songe à cette expression sociologique en vigueur il y a une trentaine d'années, le seuil de tolérance à l'immigration (i.e. une immigration 'visible'), et qu'on estimait à 10 % : idée bientôt battue en brèche par le libéralisme moralisateur qui a fourbi la gnose de l'idéal multiculturaliste, c'est-à-dire la destruction la destruction de la culture, renvoyant les uns et les autres à l'apartheid mental et au ghetto – à deux formes de survie violente."

Je répète avec force que je ne cautionne pas les conclusions de Richard Millet mais je confirme son témoignage : il m'est arrivé souvent d'être le seul blanc dans une voiture de métro à Paris. Vous remarquerez que je ne mets pas de majuscule à "blanc" comme Millet le fait dans son livre. Vous remarquerez que je n'utilise pas non plus le latin, comme Millet. Cuistre un peu assommant, Richard Millet utilise ces deux lettres surannées : "i.e.". Ça veut dire quoi ? Ça veut dire "id est". C'est du latin classique, même pas du latin de cuisine. Ça veut dire : "c'est-à-dire". Avouez franchement que Richard Millet est un petit marquis précieux. Car, trois lignes plus loin, il écrit "c'est-à-dire", en toutes lettres, en français.

Je préfère cet autre passage de ce petit livre énervant mais salutaire.

"Peuple braillard, mesquin, émasculé, mais le cerveau tiraillé entre Versailles, New York et Moscou, les Français refusent à grands cris toute idée de sélection, alors qu'ils révèrent comme de grands prêtres les sélectionneurs des équipes nationales, confondant ainsi l'idéal sportif (lequel est essentiellement spectaculaire) et cette forme de domestication qu'on appelle études supérieures, ignorant donc qu'en refusant toute sélection, au sein d'un univers présyntaxique et postpolitique , on ne peut en susciter qu'une autre qui est une tyrannie à peine déguisée."

Ce petit texte que je viens juste de citer, j'aimerais en être l'auteur. Là, je suis entièrement à l'unisson avec Richard Millet. La sélection, c'est la vie. On le sait depuis Darwin. L'impasse du système éducatif français, c'est d'avoir ouvert les vannes sans discernement.

On vénère le sélectionneur l'équipe de France de football. Mais on cloue au pilori celui ou celle qui aurait la moindre velléité de sélectionner les meilleurs lycéens ou étudiants dans une même classe d'âge.

Que veut dire ce chiffre baroque de 80 % de réussite au baccalauréat ?

Pour balayer cette mauvaise fable égalitariste qui handicape les candidats les plus modestes et les plus méritants, je suis convaincu qu'il faut sélectionner rigoureusement à l'entrée des universités.

Il faut fermer d'urgence le portillon automatique des facs qui ne sont que des parkings pour ratés, ces "losers" patentés propulsés en ligne droite sur la voie de garage de l'ANPE.

L'Allemagne a fait mieux que nous, en moins de temps.

L'Allemagne a géré sa réunification (pas une mince affaire) tout en résorbant le chômage de manière drastique, en améliorant sa formation professionnelle, en activant sans cesse l'apprentissage, en investissant sans relâche dans la recherche et le développement.

Pendant le même temps, la CGT en France, avec ses acolytes, nous bouchait la vue avec banderoles pleurnichardes et misérabilistes.

Oui, je suis d'accord parfois avec Richard Millet. "Peuple braillard, mesquin, émasculé." Il parle de nous, les Français. Cherchez à prouver le contraire.

samedi 7 juin 2008

"Le tennis est un jeu très simple."


En quelques mots, évacuons d'abord la franchouillardise coutumière. Montfils en demi-finale : cocorico !

C'est fou, dans ces cas-là, comme les Français racistes de métropole saluent sans barguigner l'apport antillais dans notre patrimoine sportif national.

C'est sûr, disait-on, que Montfils allait nous refaire le coup de Noah il y a 25 ans. Les Français aiment les parallèles idiots et les vaines commémorations. Ça ne se passe pas comme ça. Federer est évidemment trop fort. Exit Montfils, bien sûr. Soyons sérieux.

Et puis, il y a Nadal, dans l'autre demi-finale. Il expédie le Serbe Djokovic en trois sets. La balle de match de Nadal est éblouissante. Quelques secondes d'éternité.

Et il déclare ceci, l'Espagnol : " Les choses vont bien quand on fait bien ce qu'on sait faire. Le tennis est un jeu très simple."

Alors demain dimanche, face à Federer, ce sera Nadal, comme d'habitude. Pas le plus joli tennis, pas le plus subtil. Mais efficace et victorieux. C'est sans doute l'époque qui veut ça.

mardi 3 juin 2008

Chienne de vie, chienne de Drucker.


Chienne de vie. Chienne de Drucker. Plus jamais il n'y aura, pour ce cabot célébrissime, un après-midi de chien(ne) consacré à sa vautrer aux côtés de son maître Michel Drucker, le dimanche sur France 2.

Olga est morte, chienne de Michel Drucker, sur la table d'un vétérinaire ultra diplômé et aux honoraires confortables, des suites d'un cancer.

Ce qui prouve qu'on est peu de chose, même quand on est l'animal de compagnie de Michel Drucker. Sic transit.

Olga était l'inséparable compagne canine de l'animateur et ne quittait pas le canapé rouge de "Vivement dimanche", chaque dimanche que le Seigneur tout puissant a la bonté de nous offrir.

Olga, 10 ans, s'est éteinte hier entre les mains de son vétérinaire dévoué.

Olga en a vu passer des énergumènes, d'un œil distrait, sur le canapé du patron !

Un peu n'importe qui et n'importe quoi, au fil des semaines : Besancenot, très récemment. Mais aussi toute une ribambelle insipide de "people", une peuplade frelatée qui ne génère que des applaudissements contraints dans un public docile et benêt.

Ajoutons à cela, le retour pathétique de Claude Sérillon, chargé de répandre en grosses couche sur l'invité ce qui reste de la cargaison de cirage de l'émission. Jamais la honte, Claude ? Olga faisait une sale tête en vous observant.

Les invités ? Jugnot, Dorothé, Johnny, Chantal Goya, toutes les vedettes presque trépassées mais pas encore tout à fait. Pas un cimetière, déjà un purgatoire.

Pas étonnant qu'Olga ne soit plus à la fête. C'est comme une gamelle sans piment, une pitance sans renouvellement. Ça ne vous donne pas le goût de vivre. Alors, Olga est morte.

dimanche 1 juin 2008

C'était bien, c'était chouette, chez "Florent"...

Un restaurant qui ferme, ce n'est pas forcément une histoire digne d'être racontée. Une légende qui s'estompe, cela mérite toutefois quelques lignes. 

Ce restaurant légendaire qui va fermer à la fin du mois se situe à New York, dans une petite rue, au sud-ouest de Manhattan. Pendant 23 ans, un néon discret a affiché en vitrine un simple prénom : "Florent". C'était l'adresse, c'était la destination. Au début, il fallait être initié. C'était introuvable. Les chauffeurs de taxi se perdaient dans les méandres de "downtown".

Et puis "Florent" s'est imposé comme une évidence. Florent était culotté de s'installer dans ce rade sans identité, un "diner" décoré au Formica, fréquenté à l'origine par le petit peuple du marché à la viande de New York. Le lieu était environné par des bouges incertains, des femmes faciles et monnayables et par les meilleurs clubs SM de la ville.

L'adresse, c'était 69 Gansevoort Street, juste en dessous de la 14ème rue qui marque à Manhattan le début d'un nouveau territoire. Au dessus de la 14ème rue, tout est réglé au cordeau : les rues et les avenues correspondent à leur nomenclature. Le quadrillage rassurant est conforme. En dessous de la 14ème rue, tout devient confus. C'est là, précisément, que "Florent" s'est installé.

Florent est français. J'ai toujours pensé que Florent a été et reste le meilleur ambassadeur de France aux Etats-Unis. Dans toute l'Amérique du Nord, où pouvait-on trouver du boudin noir, accompagné de très bonnes frites ? Seulement chez "Florent", sauf erreur.

Mais, chez "Florent", il y avait beaucoup plus que la bouffe, car la bouffe, certes convenable, n'était pas l'attrait principal. C'était un climat, un lieu, une oasis. Comment vous expliquer ce que "Florent" a incarné ?

Ces derniers jours, la presse américaine a tenté de cerner le phénomène : grand article élogieux dans "The New York Times" et plusieurs pages illustrées dans "New York Magazine". L'Agence France Presse, sur ce sujet, a très bien travaillé. Voici la dépêche diffusée hier :

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Fermeture de "Florent", restaurant symbole de la transgression new-yorkaise
Par Paola MESSANA

NEW YORK, 31 mai 2008 (AFP) - Symbole de la transgression new-yorkaise, le restaurant "Florent" ferme fin juin parce que le Meatpacking District, le quartier des boucheries qu'il a contribué à lancer il y a 23 ans, est devenu inabordable et encombré de jeunes milliardaires au volant de 4x4.

Au 69 rue Gansevoort, entre la 12e et la 13e rue, au sud-ouest de Manhattan, l'ambiance n'a pas changé: la peinture du "L" sur la vitrine est effacée mais le néon rose est toujours là, et à l'intérieur, la décoration mi-bistrot parisien mi cafétéria américaine est immuable, avec ses petites tables en formica, sa banquette en skaï rouge et son comptoir derrière lequel s'affairent des serveurs plus souvent acteurs ou peintres que professionnels de la restauration.

Mais les signes de la fin prochaine sont partout, sur les ardoises où on indique à la craie comment se procurer carafes et toiles cirées sur le site d'enchères e-bay, ou sur les panneaux qui annoncent les cinq soirées à thème qui vont marquer les "étapes de la perte" du 1er au 29 juin, le jour de la fermeture coïncidant avec la prochaine parade de la "Gay Pride".

Les soirées costumées à thème sont une des marques de fabrique de l'établissement, et Florent Morellet avoue volontiers qu'il préfère qu'on l'appelle "la reine" que "le maire" du quartier.

"On était la lumière dans un quartier sombre, on est devenu un point sombre dans le quartier de la lumière", résume dans une interview à l'AFP le restaurateur, qui aura 55 ans le 23 juin et se dit "un Américain né en France par erreur géographique".

"Au début je payais un loyer d'un peu plus de 1.000 dollars par mois, actuellement je paye 6.000 dollars, maintenant la propriétaire en demande 30.000 par mois", raconte-t-il. "Je ne regrette pas de partir, on ne peut pas regretter quelque chose d'impossible", ajoute-t-il.

Dans la salle du restaurant, où l'on sert moules-frites, boudin noir et bière à une faune hétéroclite d'étudiants, d'artistes, de célébrités comme le styliste Calvin Klein, le chanteur Lou Reed, ou la chanteuse Amy Winehouse lors d'un passage à New York, quelques objets culte ont déjà disparu.

Il s'agit notamment d'une petite carte du Liechtenstein, qui servait à indiquer la place où s'asseyait de son vivant le peintre Roy Lichtenstein, que Florent Morellet a décrochée "pour la sauver de la kleptomanie" et d'objets dont les fanatiques ont commencé à s'emparer après l'annonce de la fermeture, les menus notamment.

"Ce quartier me plaisait il y a 23 ans, le restaurant était fréquenté par un mélange de bouchers, de prostituées. Il a été très vite à la mode parce qu'à New York, dès que tu dis que c'est dans un coupe-gorge, ils foncent", se souvient-il.

"Le gratin aventureux, excentrique et curieux est venu tout de suite. Mais la nostalgie est trompeuse, nous avons connu des années difficiles, l'épidémie de crack surtout vers 89-90, on devait organiser des patrouilles avec les Guardian Angels (milice de volontaires créée à New York en 1979) pour chasser les dealers et empêcher les gens de se défoncer dans la rue", rappelle-t-il.

Tout a changé aujourd'hui dans ce quartier où les crochets des bouchers ont pratiquement disparu et qui est devenu le dernier endroit à la mode, avec des restaurants comme le Spice Market du chef étoilé Jean-Georges Vongerichten, les boutiques de Stella McCartney ou de Diane von Furstenberg, la terrasse de l'hôtel Gansevoort fréquentée par mannequins et banquiers d'affaires, et la piscine sur le toit du club "SoHo", immortalisée dans le feuilleton télévisé "Sex and the city".

"L'âme de New York est dans le changement et pas dans la nostalgie", conclut sans regret cet infatigable défenseur des droits des homosexuels, lui-même séropositif depuis 1987, militant de la préservation historique du quartier et militant pacifiste, qui s'apprête à raconter son aventure dans un livre.

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Moi qui vous parle ou plutôt qui vous écris, j'ai déjeuné ou dîné chez "Florent" des centaines de fois pendant ma décennie à New York.

C'est mon Amérique à moi. "Florent" qui ferme, c'est mon petit "11 septembre" personnel. Avec mon pote et collègue Frédéric F., on a tellement souvent déjeuné à côté de Roy Lichtenstein. Il était toujours à la table du fond, entouré de ses disciples, le plus souvent de jeunes et jolies filles. Son atelier de peintre était juste à côté. Pendant des années et des années, j'ai vu plusieurs fois par semaine Roy Lichtenstein chez "Florent". Je l'ai vu déjeuner à trois tables de moi une semaine avant sa mort. Ce souvenir ne me quitte pas quand, dans un grand musée n'importe où dans le monde, je vois une toile de Roy Lichtenstein.

Mais "Florent", ce n'était pas (j'en parle déjà au passé) que du "name-dropping" (littéralement : lâchage de noms de célébrités). J'ai vu des stars, des vedettes, des personnalités chez "Florent". Des quantités. J'ai vu par exemple, chez "Florent", un chanteur français prénommé Johnny ivre mort un 14 juillet. Mais ce n'est pas ce que je regrette le plus.

Ce que je regrette, c'est qu'on ne pourra bientôt plus dire à New York, un soir de neige ou de canicule, on ne pourra plus dire : "où va-t-on ? on va chez 'Florent' !" C'est un truc essentiel qui nous est enlevé, par le fric, par l'évolution de la société, par le temps qui passe. Parce que les jours où l'on cherchait un endroit simple et chaleureux pour se retrouver, on allait chez "Florent". Il y a la chanson de Delpech qui est dans le même esprit : "Chez Laurette".

Je suis un veinard. Florent Morellet (Mister "Florent") m'a fait un joli cadeau. L'été dernier, j'étais à New York. Nous avons dîné en tête-à-tête, dehors, sur le trottoir de son restaurant. Il m'avait alors confié qu'il devrait probablement quitter les lieux dans les prochains mois. Ce fut pour moi une douche froide dans cette soirée où la température ambiante frôlait les 30 degrés. Mais j'ai passé une soirée avec Florent, celui qui a tant compté -sans le savoir forcément- dans mon long séjour à New York.

"Florent" ferme. Je n'irai pas à l'enterrement. Je préfère conserver les images vivantes d'un lieu minuscule et néanmoins essentiel.