"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')

lundi 29 septembre 2008

Fillon, chevalier du ciel.


On a failli perdre Fillon ! Oui François Fillon, le supposé premier ministre de la France.

L'avion, qui le transportait hier à destination de l'aéroport militaire de Villacoublay (Yvelines), a suivi une procédure d'urgence pour éviter de justesse une collision avec un avion de tourisme égaré.

Le Falcon 900 du Premier ministre, en provenance d'Angers, était en phase d'approche de l'aéroport de Villacoublay quand "il a évité de justesse" la collision avec l'avion égaré, vers 17H50, au-dessus de la commune de Toussus-le-Noble (Yvelines).

Les passagers du Falcon 900 ont ressenti une accélération, sans conséquence dommageable, au moment de la mise en oeuvre de la procédure d'urgence.

L'avion de tourisme monomoteur de type Cessna se trouvait à la même altitude et en face du Falcon 900 au moment du déclenchement de la procédure d'urgence. Le pilote du Falcon 900 a mis en oeuvre une procédure d'évitement d'urgence appelée "Air Prox" pour éviter la collision.

La distance séparant les deux avions au moment où ils se sont croisés est estimée à 60 mètres.

Deux enquêtes de la gendarmerie des transports aériens (GTA) et de la gendarmerie de l'air ont été diligentées aujourd'hui pour connaître les circonstances de l'incident.

L'avion égaré s'est posé peu après l'incident sur l'aérodrome de Pontoise (Val-d'Oise).

Le Falcon 900 fait partie de l'Escadron de transport, d'entraînement et de calibration (Etec), une unité de l'armée de l'air implantée à Villacoublay, qui a succédé au Groupe de liaisons aériennes ministérielles (Glam) en 1995.

Bon, très bien, tout le monde est content qu'aucun drame ne se soit produit.

Mais la vraie question est la suivante : pourquoi le premier ministre effectue-t-il un trajet Angers-Paris en avion ? Merci beaucoup pour le refrain "les caisses sont vides" et les ritournelles du Grenelle de l'environnement !

A vol d'oiseau, Angers-Paris, c'est 264 kilomètres. Ça peut se faire en voiture, sans difficulté.

Ou, mieux encore, en train.

Angers-Paris, en TGV, c'est en gros 90 minutes, avec un train chaque heure le dimanche après-midi.

En première classe, sans réduction, l'aller simple coûte moins de 90 euros. Ajoutez quelques collaborateurs, les gardes du corps, tout additionné, ça coûte forcément moins cher qu'un trajet en Falcon 900.

Et l'avantage du TGV, c'est que le premier ministre serait arrivé à la Gare Montparnasse, à 10 minutes de l'hôtel Matignon, surtout si on est précédé de motards à gyrophares…

Peut-on nous expliquer cette dominicale extravagance aérienne de l'austère chef du gouvernement ? Mal dans le dos. L'avion, c'est mauvais pour les lombaires, il devrait le savoir.

dimanche 28 septembre 2008

Bye bye, Bob. Et autres considérations disparates.


Ouf ! Pincez-moi, je rêve ! Robert Ménard quitte la direction de "Reporters sans frontières" dont il s'était pourtant auto-proclamé "secrétaire général à vie".

Il veut faire autre chose, peut-être de la politique ! Sacré Bob ! Inusable et toujours présomptueux. Il y a loin de la coupe au lèvres. Encore faudrait-il que l'énergumène soit élu quelque part.

Savourons donc l'instant présent : l'agitateur illégitime, l'usurpateur dangereux, va enfin cesser de nuire. Les dégâts qu'il a commis pendant 23 années d'activisme bien-pensant sont considérables. Je pense notamment aux relations franco-chinoises. L'agit-prop genre boy-scout de Ménard contre les Jeux de Pékin a été dommageable pour la France mais totalement vaine dans ses effets : les Jeux se sont parfaitement déroulés et personne n'a entendu les pétards mouillés de RSF, groupuscule krypto-trotskiste malfaisant. Exit Robert, bon débarras.

Dans le même genre, peut-on imaginer maintenant que José Bové entre au conseil d'administration de Monsanto ? Je crois que, là, j'en demande trop.

Alors puisque je suis sur le terrain de l'écologie (Bové est sur celui du terrorisme), je vous livre maintenant mon indignation dominicale.

La formule 1, c'est déjà une activité passablement ridicule. Ils appellent ça du sport. Ça fait du bruit, ça consomme pour rien des hectolitres de carburant. Mais dans le genre absurde, la formule 1 a innové dans les grandes largeurs aujourd'hui.

Le Grand Prix de Singapour a eu lieu en nocturne. C'est une première. Les voitures de formule 1 n'ont pas de phares. Alors, on a puissamment éclairé le circuit avec une impressionnante batterie de projecteurs. Beaucoup d'électricité gaspillée pour que le public (et surtout les téléspectateurs) puissent voir des bolides ultra-gourmands engloutir des litres et des litres d'essence.

Qu'on ne vienne plus désormais m'emmerder avec le Grenelle de l'Environnement !

Et puisque c'est décidemment mon jour de bonté, je dis rapidement quelques mots sur un film français. Oui, je fais une rechute, une nouvelle exception dans ma détestation coutumière. Je veux parler brièvement du film "Entre les murs" de Laurent Cantet (vous savez forcément de quoi il s'agit : la vie d'une classe de collège dans un quartier difficile).

Palme d'Or à Cannes, critique unanime. Eh bien, franchement, c'est justifié. Excellent film qui fait peur : si c'est ça l'école d'aujourd'hui en France, on n'est pas sortis de l'auberge !

A bon entendeur ! Et sans rancune, Robert….

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Tiens, en appendice, ce bon mot entendu ce soir sur le chaîne "Paris-Première" : "La télévision n'est pas un art, c'est juste un meuble".

samedi 27 septembre 2008

Bad news.


Tiens, voici une vraie mauvaise nouvelle. Paul Newman est mort. Un cancer à 83 ans.

Bel homme, la classe, formidable acteur. Longue carrière impeccable. Un mec bien.

Fidélité conjugale rarissime à Hollywood : cinquante ans de mariage avec l'actrice Joanne Woodward. Il a dit un jour à ce propos : "si vous avez un bon steak à la maison, à quoi bon sortir pour manger un hamburger ?".

vendredi 26 septembre 2008

Blood, sweat and tears.


Maggie oublie tout. C'est la faute à Alzheimer. Horrible maladie. Mais on ne va pas oublier Maggie ! Franchement, vous nous manquez, vous "la dame de fer", en ces temps incertains.

Margaret Thatcher, la baronne Thatcher, aura 83 ans le mois prochain. Malheureusement, son esprit s'envole et se consume. L'inexorable maladie éloigne de nous la femme politique (comme on dit "homme politique") la plus extraordinaire du 20ème siècle.

Oui, elle fut rude et inflexible. Elle n'a jamais fléchi face aux grévistes, parfois par une force implacable. Elle ne s'est pas inclinée davantage face aux terroristes irlandais. Résultat, vingt ans plus tard ? La paix en Irlande et une économie britannique prospère. Qui le contestera ?

"Blood, sweat and tears".

Avant Maggie, c'est Winston Churchill qui, en mai 1940, à la chambre des communes à Londres, offrit à son peuple ce programme nécessaire et douloureux : "du sang, de la sueur et des larmes".

Regardons ailleurs, autour de nous, pour trouver d'autres exemples.

Prenons les Allemands. Après leur très difficile réunification (conséquence de la chute du mur de Berlin en novembre 1989), ils ont également réussi, dans une extraordinaire concertation sociale, la plus remarquable résurrection économique du vieux continent de la dernière décennie.

Ils ont bossé comme des fous, les Allemands. Ils se sont serré la ceinture. Ils ont tout misé dans la formation professionnelle, dans la recherche, dans les investissements pour les entreprises.

Résultat pour l'Allemagne ? Premier exportateur mondial, chômage en baisse spectaculaire, économie solide sans assistance étatique.

Et nous, pauvres de nous ? Je parle de la France, paradis latin en route vers le purgatoire des pays en perdition.

Nous, nous avons Nicolas Sarkozy, mari récent d'un chanteuse bourlingueuse, président juché sur des talonnettes qui ne rehaussent pas automatiquement son pouvoir.

Il a fait hier soir un discours à Toulon. Il y parlait d'économie et de finances. Il s'engageait à clouer au pilori les affreux responsables de la déroute financière actuelle. C'est son côté "premier flic de France".

Il veut menotter les coupables, faire avouer les capitalistes véreux, sous la lumière intense de la lampe du commissariat ! Les affreux suspects figurent probablement dans un fichier spécialisé ("Edvige", puissance fric). Qu'on les embastille au plus vite !

Comme ce serait simple et gratifiant, Monsieur le Président, d'interpeller sur le champ les voyous de la finance. Vous les connaissez sans doute mieux que nous.

Plus sérieusement, Monsieur le Président, ce n'est pas en fustigeant le capitalisme qu'on calme forcément les maux d'un pays en déclin, celui que vous présidez.

Car, Monsieur le Président, notre pays se traîne, très loin, au fin fond du peloton de l'innovation et de l'audace. Il est à la remorque. Vous n'êtes pas le seul responsable de cette évidente déroute.

Pendant que Margaret Thatcher, au début des années 80, se montrait implacable face à un Royaume Uni empêtré dans son immobilisme, le président français François Mitterrand s'engluait dans des compromis vaseux avec les grévistes d'une sidérurgie lorraine perdue d'avance.

Avec plus de vingt ans de recul, posons-nous la question : qui a gagné ? Sûrement pas la Lorraine, jadis soulevée par une vaine révolte, sous un Mitterrand indéterminé ! C'est la Grande-Bretagne, endurcie par Margaret Thatcher, qui s'est affirmée économiquement.

On voudrait tant que Nicolas Sarkozy ait la même volonté que Margaret Thatcher !

Pour lui et pour nous, les temps sont difficiles. Ces temps difficiles imposent des solutions drastiques.

Cela passe notamment par une réduction significative du poids de l'Etat sur l'économie nationale, tout simplement par une purge du nombre de fonctionnaires. Les Suédois et les Canadiens (qui ne vivent pas en dictature) ont réussi cet assainissement salutaire.

En France, plus de 60 % des salariés dépendent d'une administration, d'une entreprise publique ou para-publique. A part la Corée du Nord et Cuba, il n'y a pas d'équivalent.

Ce système bureaucratique coûte cher, très cher, car c'est le contribuable qui, à chaque instant, est convié à combler les manquements de ces mastodontes nuisibles et inefficaces.

Alors, tranchons dans le vif : oui, évidemment, il faut privatiser "la Poste", citadelle putride d'un syndicalisme attardé. La télé publique, c'est la même chose. Une nullité quotidienne nourrie d'une redevance injustifiée.

J'arrête ici mon cahier de doléances, tellement incomplet.

J'ajoute pourtant que j'aimerais tant que notre président, d'apparence tellement énergique, sorte enfin de sa léthargie et nous propose des projets ambitieux.

Ce que je reproche à Nicolas Sarkozy, ce n'est pas d'en faire trop. Je lui reproche de ne pas en faire assez.

Sarko est pusillanime. Ce n'est pas un compliment.

Une bonne claque dans la figure. Un grand coup de trique. C'est cela dont la France a besoin.

J'en appelle à Margaret Thatcher. Malheureusement, elle ne m'entend plus.

Dommage ! Car chez nous, la rigueur et l'effort ne sont plus à la mode. Hélas, trois fois hélas !

En France, comme d'habitude, on se contentera de demi-mesures, de compromis incertains, de réformettes.

Nous avons sombré. Nous sombrons. Nous sombrerons. Ça se conjugue, ça se décline. Comme notre déclin.

lundi 15 septembre 2008

On vit une époque formidable (suite).

Oui, c'est vraiment une époque formidable.

Figurez-vous qu'Anthony Delon a écrit ses mémoires. Oui, j'ai bien dit les "Mémoires d'Anthony Delon" (le fils de l'autre).

Il y a en France un éditeur qui a signé un contrat et donné un (gros) chèque pour publier ce manuscrit !

Nous avions connu les "Mémoires du Cardinal de Retz", les "Antimémoires" d'André Malraux.

Nous voici aux "Mémoires d'Anthony Delon". La culture française progresse avec bonheur vers un avenir radieux.

samedi 13 septembre 2008

Elevons le débat.


Le pape est en France. Ce pape-là m'intéresse. C'est un pape de très bon niveau. C'est un intellectuel de première classe. Quand il parle, c'est pour dire quelque chose.

Moi, le mécréant, j'ai écouté son discours d'hier après-midi au couvent des Bernardins à Paris. J'en a lu le texte ce soir dans "Le Monde". Il y a vraiment de la substance.

Mazette, ce n'est pas anodin ! On peut en discuter, mais on est vraiment face à un esprit supérieur. C'est du lourd, ce Benoît !

Dans notre époque tellement vide de sens, de profondeur, de réflexion, ce pape nous ramène enfin à des questions essentielles.

Il faut croire que l'intelligence est contagieuse. Figurez-vous que le discours de Nicolas Sarkozy, hier à l'Elysée pour l'accueil du pape, était également d'une richesse inaccoutumée. Pas un discours de circonstance, mais une analyse sérieuse du concept de laïcité.

Nicolas Sarkozy a des défauts mais il faut lui reconnaître un mérite : il a beaucoup réfléchi et travaillé sur la question religieuse en France, sur l'Islam ou sur le Judaïsme, notamment.

Moi, je suis heureux de voir mon pays se plonger dans ce genre de débat plutôt que le voir s'écharper sur le sort de Raymond Domenech.

jeudi 11 septembre 2008

Comédie humaine.


Tiens, c'est marrant, revoici Balzac !

Le journal "Le Monde", pour tenter d'enrayer son naufrage annoncé, nous propose, en cadeau presque gratuit, l'intégralité de la "Comédie Humaine", volume après volume, un par semaine.

La "Comédie Humaine", c'est pour moi, avant tout, Rubempré et Rastignac.

Deux personnages antinomiques, inconciliables, sous l'ombre tutélaire du mentor absolu : Vautrin.

On les côtoie dans la trilogie balzacienne : "Le père Goriot", "Les Illusions perdues", "Splendeurs et misères des courtisanes".

C'est le cœur du romanesque balzacien.

Balzac aujourd'hui ? Si je réponds Tristan Garcia, je fais reposer sur les épaules de ce romancier de 27 ans un poids beaucoup trop lourd.

Et pourtant ! Le roman de Garcia, publié chez Gallimard, renvoie beaucoup à Balzac.

Le titre : "La meilleure part des hommes". Les hommes, la comédie humaine.

Ne sommes-nous pas sur le même terrain ?

Tristan Garcia est trop jeune pour avoir vécu ou connu les années 80. C'est pourtant cette époque qu'il décrit. Il raconte les ambitions, la célébrité, Paris et la province, le sexe, les désirs, les coteries, les lâchetés, la gloire et l'oubli.

Balzac a raconté, à sa façon, les mêmes histoires. Tristan Garcia y ajoute, comme piment romanesque, une maladie appelée SIDA. Piment ou fléau ? C'est tout le sujet du livre.

Voici un extrait de "La meilleure part des hommes" :



Les années quatre-vingt furent horribles pour toute forme d’esprit ou de culture, exception faite des médias télévisuels, du libéralisme économique et de l’homosexualité occidentale. Dominique Rossi ne s’intéressa pas du tout à l’économie libérale. Plus tard, il regardera quand même la télé.

Ce fut la Grande Joie ! Il répétait toujours ça. Est-ce que c’était une période inédite de l’évolution de l’humanité ou un cycle régulier de libération, d’émancipation des homos, j’en sais trop rien.

« Ça ne ressemblait pas tant que ça à la Grèce antique, et plus du tout à Oscar Wilde» , rigolait Doumé, devant un verre de bourbon.

Il était à New-York, il était à Londres, il était à Paris.

« Rétrospectivement, je vois les années où le fric devenait une valeur sociale démocratique, où la Bourse, l’apparence, le look, le toc, le mauvais s’exprimaient dans une grimace généralisée de la planète, au grand jour. Esthétique pub de néons et de premiers écrans d’ordinateur Atari, fuseaux fuchsia, PAO et synthétiseurs. Le clinquant. »

Doumé éclate de rire.

« Nous… Pour nous, ça avait la couleur de l’amour – mais j’avoue que si j’avais été hétéro, ça aurait largement ressemblé à la fin de l’intelligence et à la couleur de l’enfer.« Mais moi, je baisais à l’époque, et on dansait. Ce n’était pas con, non, non. On sortait au grand jour, on s’éclatait, on avait le sentiment de l’appartenance. C’était la communauté, mais ça paraissait plus un univers qu’une prison. Ça changé par la suite. On comprend que c’est la même chose, au bout du compte. »

Dominique regardait ses pilules, toujours, avant de les avaler. Combien de fois il s’est trouvé assis sur ce fichu canapé rouge cerise, à côté de la chaîne stéréo. Il réfléchit.

Ce photographe l’a conduit au Palace, merde, jamais il avait ressenti ça. C’était un petit étudiant à lunettes, en chemise, même s’il était baraqué, on se sent toujours un enfant la première fois, et il marchait dans un couloir, avec le son des enceintes, les basses, surtout, qui vous prenaient au ventre ; il avait eu l’impression de marcher au milieu des colonnes et de soldats d’un temps ancestral, vers une arène. C’était violent, ça faisait mal, mais il y avait déjà le plaisir de penser que ce serait peut-être bon ensuite, un peu plus loin. Il allait pénétrer sur la piste de danse, la musique vous saisissait à l’estomac, il crut même franchement qu’il allait gerber, puis il a compris qu’il valait mieux se laisser ingurgiter par le son, comme un cœur géant qui nous faisait tous vivre et vibrer, à l’unisson. Il avait oublié Chostakovitch, Fauré, le bop et l’after-punk, tout ce qu’il connaissait, cette musique était vivante, elle était débridée, libre et contraignante à la fois, bien habillée et indécente. Il a appris à danser les mains au-dessus de la tête, et le pantalon sous les genoux, ensuite. Il a compris, comme chacun dans sa propre vie, qu’il était un corps. Il dansait – ce n’était pas agréable, au début, parce qu’il y pensait, puis il oubliait, et c’était bon parce que ce n’était plus bon, non, non, c’était bien plus que ça. Au diable le reste.

Et il jouissait.

« Merde, qu’est-ce qu’on pouvait jouir, à l’époque, je crois pas qu’on jouisse comme ça , aujourd’hui. »
Il ricana, se traita de jeune vieux con, de vieux jeune con. Il avait assez de conscience pour vous empêcher de le juger. Un temps. Un temps seulement.



mardi 9 septembre 2008

Etre jeune et danois.

Le pire n'est jamais sûr, sauf parfois en France qui bat depuis longtemps le record d'Europe de consommation de psychotropes. Chez nous, le bonheur n'est plus dans le pré. L'absence de malheur est dans l'armoire à pharmacie.

Voici un contre-exemple réjouissant venu d'un petit pays nordique qui a su engendrer une jeunesse heureuse.

C'est le signe d'une société saine car que peut-on souhaiter de plus à la jeunesse, sinon l'insouciance ? La jeunesse danoise envisage l'avenir dans la décontraction, celle qui manque à la société française, dangereusement crispée sur ses acquis, son passé flétri et sa ridicule arrogance.

Je vous laisse lire ci-dessous l'article du "Monde" qui m'a tant réjoui.




AU ROYAUME DE L'INSOUCIANCE

COPENHAGUE, DE L'ENVOYÉE SPÉCIALE DU "MONDE" ANNICK COJEAN




Est-il possible d'avoir 20 ans et de penser, contrairement à Paul Nizan, que c'est "le plus bel âge de la vie" ? Est-il pensable, le bac en poche, de se dire qu'on a tout le temps - cinq, huit, pourquoi pas dix ans - pour flâner, butiner, tâtonner, explorer, à la recherche de soi, et d'une voie idéale menant à l'épanouissement ? Est-il concevable, enfin, d'étendre cette période délectable de la "jeunesse" sans la moindre anxiété d'origine matérielle ou de recherche d'emploi ? Mieux : avec la quasi-certitude que les virages, secousses, et multiples expériences du parcours - fût-il vagabond et chaotique - éveilleront chez un employeur potentiel respect, admiration... et se monnaieront ?

Nous sommes décidément loin de Paris et des angoisses qui, d'après tous les sondages, plombent le moral des jeunes Français ainsi que celui de leurs parents. Ici, à Copenhague, la jeunesse à bicyclette se dit résolument "chanceuse et optimiste". Et les Danois qui se confient rient de notre perplexité devant leur stupéfiante décontraction, leur aisance à se déclarer "en construction", et leur formidable confiance dans l'avenir. "Bienvenue au royaume de l'insouciance !", s'exclame un père de famille, universitaire, en couvant du regard deux grands adolescents, qu'il encourage à prendre le large et "partir explorer le monde". Insouciance, c'est bien cela. Les jeunes le confirment qui précisent : "Délicieuse insouciance."

Une étude comparative des jeunesses (16-29 ans) de 17 pays, publiée en 2006 par la Fondation pour l'innovation en politique et réalisée avec l'institut suédois Kairos, donnait des résultats spectaculaires. Seuls 26 % des Français estimaient par exemple leur avenir personnel "prometteur" contre... 60 % des Danois. 27 % des Français se disaient persuadés d'avoir "un bon travail dans l'avenir" contre... 60 % des Danois. 32 % des Français se disaient "satisfaits" de leur vie contre... 51 % des Danois. Et 22 % des Français affirmaient avoir une liberté et un contrôle total sur leur propre avenir contre... 45 % des Danois. Enfin, interrogés sur les qualités à développer chez l'enfant, les Français choisissaient "l'obéissance" tandis que les Danois plébiscitaient "l'indépendance". Un paradoxe, quarante ans après le mouvement antiautoritaire des jeunes de Mai 68. Mais un choix de valeurs très significatif des différentes conceptions de l'apprentissage de la vie.

"C'est fascinant !, observe Cecile Van de Velde, auteur d'une thèse Devenir adulte, sociologie comparée de la jeunesse en Europe, publiée cette année chez PUF. Français et Danois se situent aux deux extrêmes d'un panel européen. Aux Français anxieux, pressés par le temps, cernés par le chômage, convaincus que leur destin se joue avant 25 ans et qu'un échec ou une erreur d'orientation se paient durant toute la vie, s'opposent les Danois confiants, financièrement autonomes grâce à des bourses, prêts et petits boulots, encouragés à l'exploration et à la mobilité, avec un horizon ascendant et un marché de l'emploi avide de leur apport."

Le tableau est dressé, que l'on croirait caricatural. Mais la vingtaine de jeunes gens rencontrés à Copenhague, en ce début septembre, n'auront de cesse de l'accréditer. "La jeunesse est ici une époque bénie, explique Sven Morch, professeur de psychologie à l'université de Copenhague. Ce qu'elle évoque, véhicule, implique est d'ailleurs si populaire, si positif, que tout le monde voudrait en être et qu'elle tend à s'allonger à l'infini." S'allonger ? "Les enfants piaffent d'aborder ce rivage et les parents précipitent le mouvement en basant l'éducation de leurs gamins sur l'autonomie et en les habillant très tôt en ados. Dans l'entreprise, les emplois doivent de plus en plus avoir l'attrait du "job", être distrayants, permettre le développement individuel et même paraître sexy !" La société danoise a pour la jeunesse, dit-il, toutes les indulgences et toutes les attentions. "Et nos jeunes excellent à être jeunes !"

Cela fait sourire la bande de garçons, de 17 à 20 ans, réunis ce dimanche dans le jardin des parents de l'un d'eux. Oui, ils ont bien l'intention d'être "bons" dans la position de "jeunes". Oui, la vie, ces prochaines années, promet d'être "vraiment cool". Comme elle le fut déjà, reconnaissent-ils, pendant toute leur scolarité. Pas d'angoisses de carnets de notes ou de devoirs sur table ? "Jamais ! Toute idée de classement est inacceptable, assure Stefan, 20 ans. Elle irait à l'encontre de l'égalité sur laquelle est fondée notre social-démocratie. Les profs comme les parents tentent toujours de trouver du positif. Ce qui compte, c'est d'être soi-même et de se sentir bien."

Pas de stress, de retenues, de sélection, encore moins de redoublements. Surtout, jamais de menaces associant une profession dévalorisée à un échec scolaire, du genre : "Si tu ne travailles pas, tu finiras..." L'échelle des revenus étant de toute façon très serrée, le diplôme ne garantira pas un salaire plus élevé, une meilleure qualité de vie, ou l'unique moyen de s'élever socialement. Alors, pas de chantage !

Entre collège et lycée, il arrive que des élèves fassent "une pause", en s'inscrivant dans une "école du peuple", un internat où, loin des programmes scolaires classiques, ils se consacreront à leurs passions : sports, art, environnement. Marcus, 17 ans, se souvient de cette année où il a développé un projet sur la musique cubaine et effectué un séjour à Paris et à Cuba comme d'un moment merveilleux et essentiel, où il a "grandi, rêvé, appris à vivre et composer avec les autres, et penser à la vie". Encore deux ans de lycée, et il fera de nouveau une pause. Un an, dit-il. Pour aller sur les routes. "En Espagne, peut-être ; prendre un job de serveur ; bourlinguer ; avant d'entreprendre des études d'anthropologie."

Ce projet d'une ou deux années "off" est partagé par la quasi-totalité des jeunes, qui vont jusqu'à trouver "dangereux", voire "catastrophique", le fait de foncer tête baissée dans les études. Adel, 19 ans, avoue avoir fait ce choix, mais c'est parce qu'il rêve d'être médecin et que, issus de parents ayant fui l'Irak de Saddam Hussein et ayant dû repasser des diplômes au Danemark, il sait que sa famille considérerait comme "un gaspillage de temps effarant" la pause d'un an après le bac. "C'est pourtant le moment de faire des expériences, de se tester, d'acquérir de la maturité hors du cadre familial", assure Lars, 19 ans, expliquant qu'il lui faut d'ailleurs trouver d'urgence une location car sa mère le met à la porte : "Elle a raison, remarquez ! C'est le bon moment, et le meilleur moyen de rester bons amis !"

Ses amis éclatent de rire. Si l'initiative du départ de la maison n'est pas souvent le fait des parents, la nécessité de ce départ, à la fin de l'enseignement secondaire, s'impose à tous comme une évidence. Pas de rite, pas de larmes, le départ s'inscrit simplement dans une démarche d'autonomie amorcée dès 13-15 ans, par le recours à de petits boulots rémunérés (caissiers, vendeurs, plieurs de journaux), à des tâches ménagères payées, puis par la perception, dès l'âge de 18 ans, d'une aide financière étatique (environ 300 euros). L'Etat danois garantit ainsi l'indépendance des jeunes dès leur majorité.

Et, sur ce point, le consensus là encore est total. Dans ce pays de 5,4 millions d'habitants où le taux d'imposition peut atteindre 80 % des revenus, les études sont gratuites, et chacun a droit à six années de bourses d'Etat (à organiser comme bon lui semble), ainsi qu'à des prêts avantageux, quels que soient les revenus des parents. La combinaison des deux peut aboutir à près de 1 000 euros mensuels.

"La plupart des étudiants exerçant un emploi à temps partiel, ils disposent ainsi de revenus leur permettant à la fois indépendance et tranquillité d'esprit, commente le sociologue Dominique Bouchet, qui enseigne et vit au Danemark. Les installations universitaires sont de qualité, le nombre de professeurs pour un groupe d'étudiants bien plus élevé qu'ailleurs." Et surtout, insiste-t-il, "il y a droit à l'erreur de parcours, droit à l'hésitation et à l'errance. On peut changer de cap, faire une pause, recommencer plus tard dans une autre branche. Tout itinéraire est respectable, l'idée d'échec n'existe pas."

Pourquoi ? Toujours l'idée, partagée par les employeurs, qu'il importe de "se trouver" et qu'un CV ne se résume pas à la liste des diplômes. "C'est la personnalité qui nous intéresse avant tout, affirme Vagn Sorensen, président de l'entreprise de télécommunications TDC. Quels petits boulots ? Quels voyages ? Quelles expériences de leadership ? De travail bénévole ?" Il faut dire que dans un pays où le taux de chômage est de 1,6 %, autant dire inexistant, le jeune diplômé est très courtisé et c'est lui qui pose ses exigences : horaires, lieu, salaire... "En ce moment, c'est un petit roi !"

Un petit roi qui se lance très tard sur le marché de l'emploi (25-28 ans) et que le gouvernement libéral, inquiet du manque de main-d'oeuvre, des conséquences de la baisse démographique sur le régime de retraite et d'une dégradation possible de l'économie (le Danemark vient de connaître deux trimestres consécutifs de baisse de son PIB) aimerait faire travailler plus tôt.

Des incitations à renoncer aux fameuses années "off" sont même imaginées en jouant sur les bourses et le système de notation. Et les Danois sont horrifiés. Bousculer la jeunesse ? Contrarier ses rêves et ses fameux vagabondages ? Sa liberté à trouver doucement sa place ? Jamais !




Article paru dans l'édition du "MONDE" datée du 10.09.08 (© Le Monde)



dimanche 7 septembre 2008

Edvige.

Joseph Fouché, le plus flamboyant ministre de l'Intérieur ayant précédé Charles Pasqua, ne me démentirait pas : on ne fait pas de bonne police sans faire de bonnes fiches.

La bronca bobo-gauchisante-bien-pensante contre la nouvelle collecte élargie des données sur les personnes "sensibles" est à la fois naïve et mal informée. La police a besoin de savoir. Gouverner, c'est prévoir.

Le fichier injustement vilipendé s'appelle : "Edvige" (avec un "v", pas un "w" - c'est un obscur acronyme administratif-). Il prend tout simplement le relais du fichier des RG. En juillet dernier, les "Renseignements Généraux" ont disparu en fusionnant avec la DST. C'est devenu la nouvelle "Direction centrale du renseignement intérieur". Personnellement, la création de cette organisme me réjouit. Je me sens davantage en sécurité intérieure.

Le fichier des RG a toujours été très complet. J'en sais quelque chose. Je suis entré dans le fichier des RG il y a trente ans (1978). Je vous assure que c'est vrai. Je le sais de bonne source : à l'époque, j'avais rencontré par hasard l'inspecteur des RG qui avait supervisé mon dossier. Il savait beaucoup de choses me concernant. Cela ne me gêne aucunement. Je n'ai rien (de grave) à me reprocher.

Comme j'étais dans le fichier des RG, j'espère évidemment être dans le fichier "Edvige". Il paraît que le transfert est automatique. Tant mieux ! Finalement, "Edvige", c'est chic, c'est une sorte de "Who's who ?".

Dans "Edvige", on côtoie forcément le gratin français : les politicards, les syndicalistes, les nazes du PAF (paysage audio-visuel français), les starlettes vieillissantes qui défendent les prétendus "sans-papiers", les emmerdeurs professionnels (José Bové, Robert Ménard, les indépendantistes corses, les ostréiculteurs, les producteurs de lait, les chauffeurs de taxi, les dockers de Marseille, etc).

Finalement, c'est une sorte d'onction que de figurer dans "Edvige". J'espère que ma fiche est bien fournie et qu'elle a été régulièrement mise à jour. Je suis à la disposition des autorités pour la compléter. Je suis un bon Français. Je voudrais d'ailleurs que cette qualité figure en bonne place dans mon dossier. On ne sait jamais.

Evidemment, j'entends mugir les féroces protestations des "droits-de-l'hommistes" et autres défenseurs des libertés. L'origine de leur courroux ? Tout simplement le fait qu' "Edvige" prétende aussi encarter tout individu "susceptible de porter atteinte à l'ordre public". On ficherait donc avant le passage à l'acte. C'est ce qu'on appelle faire de la prévention et c'est louable.

C'est la nouvelle limite d'âge pour le fichage qui semble susciter le plus de vociférations : à partir de 13 ans. Et pourquoi pas ? On sait depuis François Truffaut et Jean-Pierre Léaud que les "400 coups", ça commence en culottes courtes.

En dépit des états d'âme de nos belles consciences, on ne doit pas se plaindre du recensement des mioches à problèmes. Les chenapans, les canailles, il faudrait presque pouvoir les enregistrer au berceau. Je trouve que le fichier "Edvige" manque d'audace. Je préconise l'implantation d'une puce électronique dans la couche-culotte. On y viendra, vous verrez.

mardi 2 septembre 2008

Philo, langues mortes, etc.


Je lis pour la première fois "Philosophie Magazine".

Saine lecture. Magazine où l'on apprend finalement davantage que dans les autres.

Au hasard, par exemple, cette citation de Plutarque : "La patience a beaucoup plus de pouvoir que la force." A qui faut-il destiner cet axiome ? Poutine, en premier lieu, sans doute. Sarkozy, aussi, en deuxième lieu.

Autre sujet de réflexion, au fil des pages, puisé dans le même magazine, cet aphorisme d'Hippocrate : "La vie est courte, l'art est long, l'occasion fugitive, l'expérience trompeuse, le jugement difficile."

Et enfin, toujours dans "Philosophie Magazine", cette information qui fait réfléchir : 6912 langues sont parlées aujourd'hui à travers la planète. La moitié aura disparu avant la fin du XXIè siècle. Une langue disparaît tous les dix jours.

Et si la langue française disparaissait dans ce tourbillon annoncé ? Comment pourrions-nous communiquer ? En anglais, en chinois, en arabe ? Que le meilleur gagne. On ne va pas s'obstiner indéfiniment à faire la promo passéiste de Corneille, Racine et Molière.

Les langues vivantes sont le reflet des puissances économiques et politiques.

Il faut, à moyen terme, envisager le français comme une langue morte. Langue magnifique mais morte. Pardon à Flaubert, Baudelaire, Hugo et toute la clique. Mais ces messieurs, un jour ou l'autre, n'existeront que par des traductions.