"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')

lundi 13 septembre 2010

La nécrologie rend fou


Il y a dizaine de jours, disparaissait le réalisateur Alain Corneau. C’était un honnête faiseur du cinéma français. Dans la torpeur de l’été finissant, il est devenu soudain pour les médias hexagonaux un géant du septième art. C’est évidemment faux. Les longs métrages qu’ils nous a laissés sont regardables mais n’ont rien apporté de majeur au cinéma.

Le dithyrambe a été chanté encore plus fort hier à l’occasion de la mort de Claude Chabrol. Il y avait chez Chabrol, par rapport à Corneau, une dimension humaine fort sympathique. Le personnage était truculent, bon vivant, drôle et cultivé. Mais il ne laisse pas non plus une œuvre exceptionnelle.

Chabrol a privilégié la quantité sur la qualité. Il a enchainé avec gloutonnerie une grande série de films bâclés. Il le reconnaissait lui-même. On doit néanmoins lui reconnaître un certain savoir-faire dans ses peintures noirâtres des turpitudes provinciales (« Que la bête meure », « Le Boucher », par exemple). Chabrol a aussi été un pionnier de la « Nouvelle Vague » avec « Le Beau Serge » (1959). Cinquante ans plus tard, je vous mets au défi de regarder sans bailler cette oeuvrette naïve et terriblement datée. Ce film, avec les premiers Godard et les premiers Lelouch, a néanmoins lancé le mouvement dont on pouvait espérer qu’il dépoussièrerait le cinéma français.

Rien de tout cela n’est arrivé. Godard a sombré dans le maniérisme élitiste, Lelouch dans la guimauve et Chabrol, grand pourfendeur comme ses petits camarades du cinéma académique de l’après-guerre, est rentré dans le rang. Chabrol est devenu une sorte de Denys de la Patellière.

Chabrol était un cinéaste paresseux. J’ai regardé attentivement son film « L’Ivresse du pouvoir » que France 2 rediffusait hier soir pour lui rendre hommage. C’est d’une platitude infinie ! Le rythme est lent, la construction est répétitive, le découpage sans relief, aucun sens de l’ellipse. Isabelle Huppert, l’actrice principale, est livrée à elle-même. Faute d’être dirigée, elle nous livre son numéro habituel, rigide et monocorde. Huppert fait du Huppert, qu’elle incarne une juge d’instruction ou madame Bovary, autre pensum de Chabrol.

Bon, on est triste, parce que Chabrol était marrant, qu’il faisait un bon invité à la télé. Il parlait beaucoup mieux du cinéma qu’il n’en faisait lui-même. Mais, pour la nécrologie, restons mesuré. La France n’a pas perdu son John Ford, son Capra, son Fellini. Elle a juste perdu Chabrol.

1 commentaire:

RNX a dit…

Voici qques unes des sorties 2006 en matière de films américains :
- critique du monde des affairistes : « Braqueurs amateurs »
- critique de la main mise du monde du pétrole sur la diplomatie : « Syriana »
- critique du monde médiatico-politique : « Good Night, and Good Luck »
- critique du monde de l'armement : « Lord of War »
- etc.

Bref, des films dynamiques, captivants et même, qques fois, très amusants (« Braqueurs amateurs » avec Jim Carrey)

A coté, « L’Ivresse du pouvoir » de Chabrol, sorti à la même date que plusieurs des films cités plus haut - http://www.allocine.fr/film/agenda.html?week=2006-02-22 - ne me semble pas jouer dans la même catégorie !

Mon Dieu, que ce film de Chabrol est poussif, comparé aux films précédents...