"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')

vendredi 26 novembre 2010

Très occupé, finalement.


Le comité central et le conseil d'administration du blog "Anyhow" vous prient d'excuser le manque de présence scandaleux et inexcusable du sieur "Anyhow", finalement plus sollicité que prévu.

"Anyhow" reviendra dès que possible vous combler de ses diatribes, de ses enchantements et de ses énervements.

mardi 16 novembre 2010

Le petit théâtre politique français


Aucun autre pays que le nôtre n’a jamais consacré autant de temps et d’énergie à un remaniement gouvernemental, surtout pour conserver le même premier ministre et la plupart des membres du gouvernement précédent.

Ce remaniement avait été annoncé par le président de la République il y a six mois.

Pendant cette longue période, les cabinets ministériels ont vécu dans l’attente et l’incertitude, un climat qui n’est guère propice à un travail serein orienté vers le long terme. Les collaborateurs des ministres, préoccupés par leur avenir personnel et leur «recasage», ont peu à peu délaissé leur mission au service du pays. Les ministres eux-mêmes ont employé leur temps à sauver leur peau et leur portefeuille dans des combinaisons politicardes incessantes.

Pendant des semaines, la presse a relayé toutes les rumeurs, même les plus vaseuses, pour bricoler le «casting» supposé, comme si ce feuilleton assez vain méritait d’occuper la «une» aux dépens d’informations évidemment plus essentielles.

On connaît enfin le résultat depuis dimanche soir. Dans les heures précédant la promulgation solennelle, la mise en scène médiatique a été démesurée et grotesque, à l’image de ces pauvres reporters plantés indéfiniment devant les portes de l’Elysée ou Matignon, commentant le ballet des limousines noires et échafaudant des théories en l’absence de toute information tangible, le tout entrelardé des commentaires oiseux d’experts piallant sur tous les plateaux. Le degré zéro du journalisme.

Finalement, le seul à s’être distingué, c’est Olivier Mazerolle de BFMTV qui a établi une liste presque complète de l’équipe gouvernementale plus d’une heure avant sa divulgation par le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant. Bravo, Olivier ! Mais, au bout du compte, on aurait pu, sans être rongé d’inquiétude, patienter une heure de plus pour connaître la composition du gouvernement.

La séquence suivante, nous l’avons vécue hier et ajourd'hui : la passation des pouvoirs devant les micros et les caméras. Un festival d’hypocrisie : des sourires crispés, des tapes sur l’épaule, des poignées de mains fuyantes, des embrassades factices et des déclarations convenues. Les médias ont suivi ce rituel creux avec frénésie : la « standing ovation » accompagnant le départ de Jean-Louis Borloo ou encore Fadéla Amara faisant ses cartons et rentrant chez elle en métro suivie par une équipe de télé. Ridicule.

Ce soir, Nicolas Sarkozy s’invite sur trois chaines (en même temps) pour expliquer au bon peuple la signification profonde du micmac brouillon qu’il a orchestré.

Si vous avez aimé cet affligeant spectacle de politicaillerie, vous aurez droit bientôt à une suite du même tonneau. Au début de l’année, une autre coutume typiquement française va vous être offerte : la présentation des vœux.

Tous les ministres (les vieux de la vieille et les nouveaux) organiseront plusieurs réceptions et prononceront à chaque fois un petit discours faussement enjoué et prétendument mobilisateur. Il y a les vœux à la presse, aux collaborateurs, aux personnalités et représentants des secteurs qui dépendent de chaque ministère.

Nicolas Sarkozy lui-même présidera une dizaine de séances de «vœux de nouvelle année» : aux corps constitués, aux parlementaires, à la justice, à l’armée, aux «forces vives», aux diplomates, etc. Le président, qui n’aime pas beaucoup les journalistes, sauf ceux qu’il choisit, a heureusement supprimé la corvée des «vœux» à la presse.

Comme chaque année, ce cérémonial à tiroirs va s’étaler sur tout le mois de janvier !

Et, pendant ce temps-là, les comptes publics restent dans le rouge écarlate, la compétitivité de notre économie est anémique, le chômage se creuse. Vive la France...

samedi 13 novembre 2010

Je me souviens (dédicace spéciale pour Michele)


Michele Arpino, un ami italien vivant en Suisse, me demande de republier ce texte. Je ne peux rien refuser à Michele.
Je me souviens…
(à la manière de Georges Pérec)



· Je me souviens avoir eu la peur de ma vie en débarquant à l’aéroport de Manille aux Philippines quand des malfrats m’ont enlevé avec ma valise vers une destination inconnue en ne me relâchant qu’après m’avoir délesté de tous mes dollars.
· Je me souviens, au milieu des années 90, de la fête que j’avais organisée chez moi à New York au cours de laquelle est apparu un couple glamour qui n’était pas invité et que je n’ai pas reconnu immédiatement : le jeune avocat Arno Klarsfeld et sa compagne de l’époque, Carla Bruni.
· Je me souviens avoir rencontré Tino Rossi, loin de la Corse, dans un restaurant bruyant de Cambrai (dans le Nord) et qu’il avait refusé de monter à pied à l’étage pour que je l’interviewe dans un endroit plus calme.
· Je me souviens avoir conversé quelques instants avec Claude Lévi-Strauss qui n’est pas aussi triste que ses « tropiques ».
· Je me souviens, lorsque j’habitais près de la place des Vosges à Paris, avoir souvent vu l’écrivain Jean-Edern Hallier qui aimait s’exhiber torse nu sur son balcon, tout près de la maison de Victor Hugo.
· Je me souviens être resté en rade pendant deux heures à bord d’un TGV à la gare de la Ciotat (Bouches du Rhône), cette gare filmée par Louis Lumière en 1895 pour l’un des premiers films de l’histoire du cinéma : « l’arrivée d’un train en gare de la Ciotat ».
· Je me souviens des émissions régulières que j’ai faites à Europe 1 avec Jean-Claude Brialy, vif et charmeur.
· Je me souviens avoir été le premier journaliste présent rue des Rosiers après l’attentat contre le restaurant Goldenberg.
· Je me souviens avoir interviewé le chanteur Renaud à Lille à l’époque de la sortie de son tout premier disque.
· Je me souviens avoir interviewé l’astronaute John Glenn.
· Je me souviens avoir assisté à un récital du chanteur Mouloudji dans une petite salle du nord de la France et qu’il avait chanté sans micro car la sonorisation était en panne.
· Je me souviens avoir vu, à la fin de sa vie dans les années 2000, un Jacques Villeret ivre mort, attablé seul dans une brasserie de Lille, devant deux bouteilles vides de vin blanc.
· Je me souviens que je tutoyais un premier ministre français rencontré des années auparavant à Washington lorsqu’il n’était qu’un diplomate inconnu.
· Je me souviens que Lionel Jospin ne m’a pas regardé une seule fois dans les yeux pendant une émission en direct d’une heure dont il était l’invité et que je présentais sur RTL.
· Je me souviens avoir passé un après-midi plutôt rigolo avec Jean-Marie Le Pen chez lui à Saint-Cloud.
· Je me souviens que j’ai séjourné au Club Méditerranée de Marrakech en même temps que Thierry Le Luron, entouré d’une escouade de parasites, et que, des années plus tard, il avait agonisé à l’hôtel Crillon sans jamais annoncer qu’il était atteint du Sida.
· Je me souviens de ce qui se passait la nuit, derrière les grilles fermées du jardin de Tuileries, à la fin des années 70 et au début des années 80.
· Je me souviens que je croisais souvent Mehdi El Glaoui (fils du pacha de Marrakech) qui, enfant, avait été la vedette des feuilletons télévisés « Poly » et « Belle et Sébastien» réalisés par sa mère Cécile Aubry et qui, adulte, habitait au rez-de-chaussée de l’immeuble rue du Roi de Sicile à Paris où je louais un minuscule studio sous les toits.
· Je me souviens du charme de cette examinatrice du baccalauréat qui m’avait accordé un 19 sur 20 à l’oral de français pour mon commentaire d’un extrait de « Madame Bovary », comme si l’ado coincé que j’étais alors pouvait comprendre quoi que ce soit aux affres de l’héroïne de Flaubert.
· Je me souviens avoir pénétré à quatre reprises dans le bureau ovale de la Maison Blanche, deux fois du temps de Bush père, deux fois du temps de Clinton.
· Je me souviens avoir vu les redoutables soldats Gurkhas, vestiges de l’Empire britannique en Inde, armés d’un poignard impressionnant, embarquant en 1982 à Southampton à bord du paquebot « Queen Elizabeth II » transformé en navire militaire pour la lointaine guerre des Malouines.
· Je me souviens des remerciements aimables, à la fin des années 60, de la chanteuse Barbara à qui j’étais allé demander timidement un autographe dans sa loge après un récital, un dimanche après-midi, au théâtre municipal d’Anzin (Nord).
· Je me souviens avoir bavardé dans un cocktail à New York avec l’écrivain Tom Wolfe qui portait comme d’habitude un costume blanc immaculé.
· Je me souviens d’un magnifique coucher de soleil sur l’île de Santorin (en Grèce) à la fin des années 70.
· Je me souviens de la joie populaire, vite déçue, sur la place de la Bastille dont j’étais voisin, le soir de la victoire de François Mitterrand.
· Je me souviens de mon premier cyclomoteur rouge.
· Je me souviens d’un élève du lycée, brun, très beau, que j’avais revu des années plus tard au sous-sol de la librairie Gibert Jeune à Saint-Michel où il était vendeur et où il m’annonça qu’il vivait avec un écrivain célèbre, toujours vivant, et dont je ne dévoilerai pas l’identité.
· Je me souviens que le jeune acteur américain River Phoenix a eu le malheur de mourir d’overdose le jour de la mort de Fellini.
· Je me souviens des joutes verbales de la guerre froide entre Khrouchtchev et Kennedy que je commentais naïvement dans un cahier d’écolier en étant fasciné par la similitude des initiales de leur patronyme.
· Je me souviens avoir dîné à Lille dans les années 70 à la table de Léo Ferré qui décréta à juste raison au milieu du repas, en me fixant dans les yeux et d’une voix de stentor, que j’étais « un jeune homme triste ».
· Je me souviens de ma terreur à l’idée de survoler sur un filin (ce que je n’ai finalement jamais fait) les douves d’un château délabré du Pas-de-Calais où j’avais été envoyé pour un camp de vacances où j’étais supposé améliorer mon niveau scolaire avant la rentrée.
· Je me souviens avoir vu l’homme marcher sur la lune, en juillet 1969, sur un petit téléviseur noir et blanc, à New York, dans un quartier noir du Queens.
· Je me souviens avoir aperçu de loin la haute silhouette du général De Gaulle lors de sa visite à Valenciennes dans les années 60.
· Je me souviens que des dames très convenables donnaient des cours de couture tous les jours dans le « Magazine Féminin » diffusé à 17 heures sur l’unique chaîne de la RTF.
· Je me souviens de la ruelle près de la Bastille où j’ai parlé pour la dernière fois à Lucien Combelle que j’avais connu à mes débuts à Europe 1 où il était chargé de petits travaux subalternes et qui fut un journaliste collaborateur pendant l’Occupation dont le parcours a été raconté dans un beau livre par Pierre Assouline.
· Je me souviens avoir maladroitement expliqué à Jean Marais que je renonçais à l’interviewer dans sa loge du théâtre municipal de Tourcoing tellement j’étais impressionné par sa présence.
· Je me souviens que j’ai lamentablement bredouillé (car je ne savais pas bien faire fonctionner le magnétophone Nagra) en interviewant un Jean-Paul Sartre très indulgent à Bruay-en-Artois (Pas-de-Calais) au milieu des années 70.
· Je me souviens des contrôles pointilleux, dans une station de métro lugubre, pour le passage à l’Est quand le mur de Berlin était encore debout.
· Je me souviens de mon long tête-à-tête avec Valéry Giscard d’Estaing, dans le bureau du maire de Chamalières, alors qu’il était candidat aux cantonales de 1982, un an après avoir été chassé de l’Elysée.
· Je me souviens avoir souvent croisé Coluche qui n’était ni drôle ni aimable.
· Je me souviens avoir vu Manhattan en 1969 alors que le World Trade Center n’était pas encore sorti de terre.
· Je me souviens que la journaliste américaine de « Time magazine » qui était ma voisine dans le public de l’Olympia avait publié dans son journal quelques-unes des méchancetés que je lui avais glissées à propos d’Yves Montand que j’avais interviewé quelques heures avant le spectacle et qui avait été particulièrement odieux à mon égard.
· Je me souviens avoir vu souvent ma voisine Annie Girardot, seule le soir dans les années 80, chez le marchand de vins et de fromages près de la Place des Vosges où elle habitait et à qui elle achetait plus de vin que de fromage.
· Je me souviens que je rentrais de la montagne le soir où la mort de Pompidou a été annoncée.
· Je me souviens avoir vécu l’arrivée incongrue du Beaujolais Nouveau à Djakarta (en Indonésie).
· Je me souviens de la première visite à New York de Georges Marchais, encore secrétaire général du PCF, et qui, répondant à mes questions pressantes au sommet de l’Empire State Building, n’avait fait qu’un seul commentaire : « c’est très peuplé », en évitant ensuite de se faire photographier devant la Statue de la Liberté.
· Je me souviens qu’avant Mai 68 mes profs au lycée avaient toujours une veste et une cravate, tout comme certains élèves (mais pas moi).
· Je me souviens avoir bavardé dans un cocktail à Beverly Hills avec un acteur belge inconnu qui fit ensuite carrière à Hollywood sous le nom de Jean-Claude Van Damme.
· Je me souviens de ma frustration, moi qui aime tant les examens, de la facilité avec laquelle le BEPC m’avait été accordé en Mai 68 (comme à presque tous les candidats) et que je m’en étais plaint des années plus tard à Daniel Cohn-Bendit qui m’avait traité de « petit bourgeois ».
· Je me souviens avoir serré la main de Ted Kennedy au Congrès à Washington en juillet 1969, une semaine avant que ses espoirs présidentiels ne fussent définitivement anéantis par la noyade toujours inexpliquée d’une collaboratrice, Mary Jo Chopechne, à Chappaquiddick (Massachussetts).
· Je me souviens de l’achat de mon premier 45 tours : « Moi mes souliers » de Félix Leclerc.
· Je me souviens avoir vu une représentation de la pièce « Equus » par la compagnie Renaud-Barrault à Orsay qui, en 1976, n’était plus une gare mais pas encore un musée et qui avait servi auparavant de décor au film « Le Procès » adapté de Kafka et réalisé en 1962 par Orson Welles avec Anthony Perkins dans le rôle de « K ».
· Je me souviens de ce camarade de classe qui avait une boule à facettes au plafond de sa chambre, comme dans les dancings, et qui s’est suicidé à l’âge de 13 ans.
· Je me souviens que j’ai toujours prétendu avoir porté chance à Juliette Binoche qui m’avait gentiment tapé sur les fesses après une interview à Los Angeles et qui, le lendemain, décrochait un Oscar pour son rôle dans « Le Patient anglais ».
· Je me souviens de ma première conversation en 1989 avec Hillary Clinton qui n’était que la femme de l’obscur gouverneur de l’Arkansas.
· Je me souviens de la manière sournoise dont j’ai séché l’éducation physique au lycée jusqu’à la terminale grâce à une dispense temporaire accordée après une fracture du bras en classe de troisième.
· Je me souviens de l’ancienne gare de la Bastille détruite pour faire place au blockhaus de l’Opéra.
· Je me souviens avoir été convié à un déjeuner au Louvre dans les appartements Napoléon III d’Edouard Balladur, alors ministre des finances, qui maugréait de voir construire sous les fenêtres de ses salons dorés la pyramide du chinois Pei voulue par Mitterrand.
· Je me souviens avoir vu à la télévision Jean-Louis Bory se dévoiler sans fard aux « Dossiers de l’écran » consacrés pour la première fois à l’homosexualité.
· Je me souviens de mon unique Festival d’Avignon, à la fin des années 70, au cours duquel j’étais allé écouter le leader socialiste de l’époque, François Mitterrand, venu prononcer, en plein après-midi, un discours enflammé sur la culture dans la salle des mariages de l’Hôtel de Ville, bondée et surchauffée.
· Je me souviens de mon seul chapardage, au Prisunic de Valenciennes : un petit bouquin minable que j’ai toujours dans un coin honteux de ma bibliothèque.
· Je me souviens que, pendant mon adolescence, j’écoutais sans cesse la Symphonie numéro 3 avec orgue de Camille Saint-Saëns.
· Je me souviens qu’enfant, j’aimais lire et relire « Robinson Crusoe » en regrettant toujours l’arrivée de Vendredi qui fichait par terre le concept de l’île déserte.
· Je me souviens des débuts du Minitel et des rencontres sexuelles instantanées qu’il favorisait.
· Je me souviens d’un déjeuner à trois à Washington avec un diplomate de l’Ambassade de France et un Jacques Chaban-Delmas encore exubérant.
· Je me souviens de la méprise de mon père à qui j’avais déclaré vouloir faire plus tard des études à l’IDHEC (l’école de cinéma) et qui avait compris que je visais l’EDHEC (une école de commerce).
· Je me souviens de mon premier séjour en Angleterre, à Bournemouth en 1967, dans une famille dont le fils Ken, censé être mon « correspondant », me négligeait totalement au profit de bricolages mécaniques mais qui m’avait fait découvrir un 33 tours magistral qui venait de sortir : « Sergent Pepper’s Lonely Hearts Club Band » des Beatles.
· Je me souviens avoir quitté un concert en plein air, boueux et pluvieux, dans une clairière du Maryland près de Washington, pendant que se produisait un groupe encore inconnu : R.E.M.
· Je me souviens avoir vu Michael Jackson de loin au Parc des Princes à Paris et de l’avoir revu de près dans le hall du Radio City Music Hall de New York.
· Je me souviens avoir demandé effrontément à Esther Williams, la gloire aquatique d’Hollywood de passage à Cabourg, ce qu’elle aurait de sa vie si elle n’avait pas su nager mais je ne me souviens plus de sa réponse.
· Je me souviens de mon premier « Mini-K7 » Radiola.
· Je me souviens de fêtes de Noël dans l’hémisphère Sud, à Rio ou à Sydney, où le givre sur les sapins paraît encore plus artificiel qu’ailleurs.
· Je me souviens de l’écoute religieuse du « Masque et la Plume » le dimanche soir dans la DS Citroën familiale, de retour de la visite rituelle chez les grands-parents dans l’Aisne.
· Je me souviens d’un improbable restaurant français tenu par un Autrichien dans la jungle à quelques kilomètres de Chang Rai, au nord de la Thaïlande.
· Je me souviens des housses très moches en tissu éponge orange que j’avais installées sur les sièges de ma 204 Peugeot lorsque j’étais étudiant à Lille.
· Je me souviens avoir été le seul spectateur d’une projection du film « Rêve de Singe » avec Gérard Depardieu dans une salle immense et vide à Turin alors que l’Italie, quelques jours après l’assassinat d’Aldo Moro en 1978, se terrait chez elle par crainte des Brigades Rouges fondées par Renato Curcio qui, dans cette même ville de Turin, assistait dans une cage à son procès dont j’ai suivi quelques audiences.
· Je me souviens de ce prêtre français concupiscent vantant devant moi le physique athlétique des jeunes garçons catholiques qu’il accompagnait à une messe en plein air célébrée par Jean-Paul II au JMJ de Denver (Colorado) en 1993.
· Je me souviens que mes voisins racistes n’avaient pas apprécié que je demande à des noirs de tondre la pelouse de ma maison du quartier blanc de Washington, des noirs qui avaient d’ailleurs disparu ensuite en emportant ma tondeuse.
· Je me souviens que j’écoutais régulièrement les émissions en français de Radio Tirana, le soir à 22 heures, grâce à un puissant émetteur ondes moyennes qui se propageait jusqu’à Valenciennes, et que j’étais interloqué et diverti par la description albanaise et marxiste-léniniste des événements de Mai 68 en France.
· Je me souviens qu’on regardait en famille à la télé « le Palmarès des chansons » présenté par Guy Lux et Anne-Marie Peysson et que j’y ai découvert Brassens.
· Je me souviens de Denise Glaser qui fumait sur le plateau de « Discorama » en interviewant chaque dimanche midi des chanteurs et des chanteuses dans un décor minimaliste.
· Je me souviens que je trouvais bizarre les rapports entre le lieutenant Rogers et le jeune Rusty dans le feuilleton « Rintintin ».
· Je me souviens que mon cousin Christophe Salengro avait commencé sa carrière de manière fracassante par une publicité télévisée pour le carrelage Gerflor (« Et hop ! ») et qu’il la poursuit toujours en étant le Président de Groland sur Canal +.
· Je me souviens qu’un de mes genoux a failli être broyé entre deux pare-chocs de voiture dans une rue de Sao Paulo au Brésil.
· Je me souviens avoir vu le film « Five Easy Pieces » avec Jack Nicholson au cinéma « Eden » de Valenciennes, une salle provisoire construite après les bombardements de la deuxième guerre mondiale et qui n’a disparu que dans les années 80.
· Je me souviens d’une soirée mondaine au siège de la Société Générale sur la sixième avenue à New York où chacun portait un badge nominatif et où j’ai abordé avec curiosité l’homme qui arborait le nom « Alain Robbe-Grillet » et qui m’a confirmé qu’il était bien le romancier du « Nouveau Roman ».
· Je me souviens avoir commenté pour RTL le tournoi de Flushing Meadow à New York sans savoir au départ comment on attribuait les points au tennis.
· Je me souviens que Michel Platini m’avait engueulé un jour tellement la première question de mon interview était bête.
· Je me souviens que j’ai couvert pour RTL un grand prix de Formule 1 à Montréal en sachant seulement que Prost avait une voiture rouge et que, malheureusement, il y en avait plusieurs de cette couleur.
· Je me souviens que j’étais sur la pelouse de la Maison Blanche le jour où le Palestinien Arafat a serré la main de l’Israélien Begin.
· Je me souviens avoir rencontré un Américain qui avait raté deux événements musicaux pour lesquels il détenait pourtant des billets d’entrée : le fameux concert des Beatles au Shea Stadium de New York en 1965 et le festival de Woodstock en 1969.
· Je me souviens avoir dormi à la belle étoile sur les rives de la rivière Colorado pendant une semaine de rafting au fond du Grand Canyon.
· Je me souviens avoir vu fumer dans les salles de cinéma aux Etats-Unis à la fin des années 60.
· Je me souviens avoir sombré dans un sommeil profond après avoir fumé les puissantes herbes locales au cours d’un concert de reggae à la Jamaïque.
· Je me souviens de l’épaisse fumée de marijuana qui se répandait dans un compartiment de train que je partageais entre Rome et Naples avec quatre Italiens dont j’ai partagé ensuite les pétards.
· Je me souviens que je connaissais tout le monde dans le train après avoir effectué en cinq jours et quatre nuits le parcours transcanadien entre Vancouver et Montréal.
· Je me souviens avoir vu la misère et l’ennui à leur comble dans les réserves indiennes aux Etats-Unis.
· Je me souviens que j’avais convaincu le réalisateur Francis Girod d’introduire mon nom dans le dialogue du film « Le Bon Plaisir » où j’apparais dans une courte scène tournée dans un studio d’Europe 1.
· Je me souviens du tournage nocturne dans un village du Nord d’un épisode du feuilleton de l’ORTF « La Malle de Hambourg » où l’on me voit, acteur juvénile et néanmoins assuré, annoncer le mort d’un des principaux personnages de l’histoire.
· Je me souviens de mon passage à l’âge de 17 ans dans une émission animée par Léon Zitrone sur la première chaîne de télévision, un dimanche après-midi en direct du studio 101 de la Maison de la Radio à Paris, où j’invectivais en sa présence Pierre Sabbagh à propos de l’indigence du programme « Au théâtre ce soir » qu’il réalisait.
· Je me souviens avoir aperçu Georges Brassens, déjà très malade, au fond d’un studio des Buttes-Chaumont où j’étais venu interviewer Jean-Christophe Averty.
· Je me souviens des 78 tours, des microsillons, des bandes magnétiques, des cartouches, des cassettes.
· Je me souviens de ma première exploration d’Internet à New York en 1993 grâce au système primitif « Mosaic », alors que Netscape n’existait pas encore et Windows encore moins.
· Je me souviens de la rivalité technologique entre les magnétoscopes Betamax (de Sony) et les magnétoscopes VHS qui ont fini par triompher.
· Je me souviens qu’une « bonne » (on ne disait plus « servante » mais pas encore « employée de maison ») qui accompagnait notre famille dans les vacances d’été à Merlimont-Plage (Pas-de-Calais) se prénommait Madeleine et qu’elle cuisinait des pommes de terre à l’ail que nous savourions et que nous appelions « Pommes de terre Madeleine ».
· Je me souviens que sur la plage de Merlimont nous construisions des « magasins de boulettes » où nous vendions des boulettes de sable décorées de poudre de couleur.
· Je me souviens que sur la plage de Merlimont j’installais des enclos immenses et vains à l’aide de cordes et de piquets.
· Je me souviens que je hissais devant la villa de Merlimont-Plage des drapeaux de tous les pays confectionnés par ma grand-mère et que je n’ai pas compris pourquoi mon père (en pleine guerre d’Algérie) avait brûlé précipitamment un drapeau du FLN rapporté par un espiègle cousin pied-noir.
· Je me souviens avoir passé quelques heures assez désagréables dans une ville du Paraguay qui s’appelait à l’époque « Presidente Stroessner ».
· Je me souviens ne m’être pas attardé, poussé par un étrange pressentiment, à Laramie (Wyoming), ville où -deux ans plus tard- le jeune Matthew Shepard fut torturé à mort pour la seule raison qu’il était homosexuel.
· Je me souviens avoir dormi à Villahermosa au Mexique qui, en dépit de son nom, est l’une des villes les plus moches du monde.
· Je me souviens avoir été cinglant avec Catherine Deneuve qui refusait de répondre à mes questions après une soirée des Oscars à Hollywood où elle n’avait rien récolté en lui disant : « Madame, je me demande bien ce que vous faites là ! »
· Je me souviens d’un récital d’Alain Souchon au « Casino de Paris » où Henri Salvador, assis juste derrière moi, n’a pas arrêté de me faire des farces.
· Je me souviens de la climatisation assourdissante d’une chambre d’hôtel à Moroni aux Comores que j’avais partagée, parce qu’il n’y avait plus de place ailleurs, avec un représentant en livres scolaires de la maison Hachette.
· Je me souviens des rats de cocotiers, longs comme le bras, qui traversaient ma paillote à Mayotte.
· Je me souviens des écureuils qui passaient l’hiver dans le grenier de ma maison à Washington.
· Je me souviens avoir observé les chauves-souris qui s’accrochent aux palmiers, pendant la journée, dans les parcs de Sydney.
· Je me souviens avoir vu des alligators à foison dans les fossés le long des routes de Floride, de l’Alabama et de la Louisiane.
· Je me souviens, au cours d’un voyage en Afrique, que je n’avais pas du tout aimé mon bref passage en Gambie.
· Je me souviens avoir visité avec nostalgie, au cœur de l’Amazonie brésilienne, l’opéra de Manaus inauguré en 1897 par un récital de Caruso.
· Je me souviens qu’Isabelle Adjani avait insisté pour rester couverte de son chapeau et de son manteau dans un studio bien chauffé où je l’avais interviewée en direct pendant une heure.
· Je me souviens d’une rencontre en 1989, à l’université John Hopkins de Baltimore (Maryland), avec un Boris Yeltsin, fortement imbibé à la vodka dès 10 heures du matin.
· Je me souviens avoir dit aux « Inconnus » (des prétendus comiques) que je ne les connaissais pas parce que c’était vrai et qu’ils n’avaient pas trouvé ça drôle.
· Je me souviens avoir été agressé en plein jour par une bande de gamins, faux cireurs de chaussure, sur la promenade le long de la plage de Copacabana, à Rio au Brésil.


vendredi 12 novembre 2010

Une "potiche" qui ne sonne pas creux


Dans la production généralement poussive (et pléthorique) du cinéma français, il est rare de trouver des réalisateurs qui construisent une œuvre cohérente et originale. François Ozon en est un.

En douze ans, avec une régularité de métronome, Ozon nous a offert douze longs métrages parmi lesquels je retiens : «Gouttes d’eau sur pierres brûlantes», «Sous le sable», «Huit femmes», «5x2», «Le temps qui reste». Ajoutons à cette liste son dernier film en date «Potiche» qui vient de sortir sur les écrans. Six films intéressants sur douze, c’est une belle proportion pour un homme qui n’aura que 43 ans lundi prochain (bon anniversaire, François !).

Vous avez probablement lu beaucoup de choses sur «Potiche», généralement bien accueilli par la critique. Les salles sont pleines depuis les premières projections. Les spectateurs applaudissent dès qu’apparaît le générique de fin. Sans nul doute, voici un film populaire et intelligent, pas un film sentimentalo-bobo (comme "les Petits mouchoirs" de Guillaume Canet ou les mièvreries de Marc Esposito).

«Potiche» est un film décapant, drôle et parfois loufoque. C’est aussi un film politique : critique du capitalisme, satire des élus, étude de mœurs.

Comme souvent, Ozon apporte beaucoup de soin aux détails, en particulier dans les décors et les costumes. La reconstitution du cadre de vie d’une famille bourgeoise dans les années 70 dans le nord de la France est réjouissante. J’en parle en connaissance de cause ! J’ai adoré notamment le cache-téléphone décoratif en velours qui était un grand classique de l’époque. L’ambiance giscardo-kitsch est rehaussée par la bande originale, florilège de tubes de variétés aussi surannés que la déco : Michèle Torr, le groupe ‘Il était une fois’, etc. Ozon s’amuse aussi, dans le dialogue, à insérer des anachronismes : le «casse-toi, pov con» de Nicolas Sarkozy, le ‘Chabichou’ de Ségolène Royal.

Pour incarner ses personnages, Ozon a convoqué une distribution poids lourd : Catherine Deneuve, la Potiche, est une femme au foyer méprisée, en passe de devenir une mémère mais qui obtient sa revanche, sans le secours du MLF. Deneuve est totalement décoincée dans ce rôle. A 67 ans, elle se lâche enfin, comme elle avait commencé à le faire dans «Huit femmes». Deneuve est une potiche épatante dans son survêtement criard et ses coiffures choucroutées.

Son mari, c’est le vibrionnant Fabrice Lucchini, directeur d’usine, volage et irascible. Il en fait des tonnes, comme d’habitude. Mais, pour une fois, c’est ce qu’on lui demande. Gérard Depardieu complète le trio sous les traits (énormes) du député-maire communiste du coin. Les personnages secondaires (les enfants adultes, la secrétaire, les syndicalistes) parachèvent cette plaisante galerie de portraits.

Ozon ne cherche pas à éviter l’outrance. Nous sommes, de manière assumée, dans la caricature, parfois dans le grand guignol. Après tout, le scénario est librement adapté d’une pièce de boulevard de Barillet et Grédy. Cette pièce fut jouée à la scène par Jacqueline Maillan, une actrice qui ne faisait pas dans la nuance.

Mais cette démesure n’est pas un accident. Elle est recherchée par le réalisateur qui introduit avec gourmandise le burlesque dans la comédie sociale.

Entendons-nous bien : il ne s’agit pas d’un chef d’œuvre. Ce film est terriblement franco-français. Il n’est pas exportable car il est truffé de références purement hexagonales. Comme souvent dans le cinéma tricolore, un montage plus elliptique aurait rendu le rythme moins languissant. Dans la plupart des scènes, Ozon aurait pu couper un bon nombre de plans superflus. L’image est assez plate, sans génie particulier, du niveau d’un téléfilm. A cet égard, «Huit femmes» était cinématographiquement bien supérieur par son découpage, sa vivacité, son inventivité visuelle.

Mais ne boudons pas le plaisir réel procuré par cette «Potiche». Le cinéma français, si navrant, ne nous offre pas souvent l’occasion de sortir satisfait d’une salle.

mardi 9 novembre 2010

Les punks de Rangoon

Qu’on soit de la Balance ou du Lion
On s’en balance, on est des lions.
(Extrait de la chanson du vieux lion Léo Ferré intitulée « Avoir 20 ans »)
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Je lis le remarquable numéro spécial de Courrier International titré "Avoir 20 ans en 2010".
Je m’arrête sur les pages consacrées à la Birmanie : "Avoir 20 ans et être birman, vivre malgré la junte".
Le dossier sur la jeunesse de Birmanie dans Courrier International est composé de plusieurs articles dont un rédigé par le New York Times .
"Des miettes de liberté qui procurent l’ivresse", c’est le titre de ce reportage qui raconte que les jeunes birmans parviennent à se glisser dans les interstices du régime dictatorial. L’article est illustré par cette photo de Kim Maung Win (AP-Sipa).
Légende de cette photo : "A Rangoon, ces punks ont passé outre les consignes de la junte de rejeter les tenues décadentes de l’Occident".
Cette image me rappelle ce que j’avais vu à Berlin-Est au début des années 80 lorsque Erich Honecker dirigeait encore la RDA.
J’avais été frappé de voir, aux abords de l’Alexanderplatz, plusieurs groupes de jeunes Allemands de l’Est en tenue punk, "les tenues décadentes de l’Occident". C’est également ainsi que les dirigeants de la RDA qualifiaient l’apparence de ces jeunes réfractaires.
A l’époque, j’avais d’ailleurs remarqué davantage de punks à Berlin-Est qu’à Berlin-Ouest. Quelques années plus tard, le mur de Berlin est tombé. Honecker est mort ensuite au Chili, sans être vraiment jugé en Allemagne.
Je me dis, si tout va bien, qu’un sort comparable pourrait être réservé à Than Shwe, le chef de la junte birmane.
Certes, un punk ne fait pas le printemps. Il n’y a pas de vrai mur autour de la Birmanie. Ce qui doit tomber est plus résistant, encore plus opaque que dans notre vieille Europe. Les situations sont très dissemblables.
Avoir 20 ans en Birmanie en 2010 n’est pas facile. J’emploie ici un doux euphémisme. Mais, après tout, qu’on soit de la Balance ou du Lion, on s’en balance, on est des lions.
Je mise beaucoup sur ces punks birmans. L’avenir leur appartient, beaucoup plus qu’à Than Shwe et à sa clique.

Le général de Gaulle, histoire d'une 'réussite' jamais jouée.


Faute de savoir se construire un avenir, la France ressasse son passé avec frénésie. Aujourd’hui, le pèlerinage obligé passe par Colombey-les-Deux-Eglises. La Haute-Marne en novembre, c’est toujours une partie de plaisir.

On viendra donc s’y prosterner avec componction à la mémoire de Charles de Gaulle, fantôme encombrant qui depuis 40 ans hante son « cher et vieux pays ». Depuis quelques jours, les chaines de télévision dégoulinent d’émissions commémoratives, le plus souvent hagiographiques, au sujet de « l’homme de la France libre ».

Le général de Gaulle est un mythe inaltérable. Chacun le revendique, même Martine Aubry et Nicolas Sarkozy ! Dans un récent sondage SOFRES, 70 % des Français estiment que Charles de Gaulle est le personnage le plus important de l’Histoire de France.

Les Français ne connaissent sans doute pas très bien leur Histoire et pas davantage l’histoire du général de Gaulle. Les manuels scolaires relayés par le bruit médiatique ambiant ont construit la légende selon laquelle le général de Gaulle a organisé à lui seul la résistance contre l’occupation allemande et a finalement gagné la deuxième guerre mondiale en faisant de la radio à Londres.

Les Français, habitants d’un pays qui rétrécit à vue d’œil, se raccrochent à des bribes lointaines de l’emphase gaullienne. L’habileté du général est d’avoir fait croire à ses contemporains que la France était encore une grande puissance, alors qu’elle ne l’est plus depuis Louis XIV. A défaut de grandeur, on se console par la grandiloquence.

En ce jour de recueillement obligatoire, il est sans doute dangereusement antinational d’évoquer les errements multiples de « l’homme du 18 juin ».

Son retour au pouvoir en 1958 est un épisode confus proche du coup d’état. Sa gestion de la guerre d’Algérie est une boucherie catastrophique accompagnée d’une suite de revirements, renoncements et trahisons (les Pieds-Noirs, les Harkis, etc.).

La France prospère des « trente glorieuses » s’endort sous le règne de de Gaulle. Pierre Viansson-Ponté en mars 1968 dans « Le Monde » remarque avec discernement que « la France s’ennuie ». Mais le vieux de Gaulle ne remarque rien et se fait surprendre comme un débutant par le monôme de Mai 68. Il panique, ressort son uniforme militaire de la naphtaline et prend un hélicoptère pour consulter Massu à Baden-Baden. C’est plutôt baderne-baderne.

La dernière scène de cette épopée, somme toute très pantouflarde, se situe il y a quarante ans exactement, le 9 novembre 1970, dans la bibliothèque de « La Boisserie », la lugubre demeure de Colombey.

Comme chaque soir, le général attend face à son téléviseur le début des actualités régionales de Champagne-Ardennes. Pour calmer son impatience avant de savourer ce programme palpitant, il a aligné devant lui, sur une table de bridge, des cartes pour faire une ‘réussite’. Il meurt quelques instants plus tard. S’il n’avait pas été fauché dans son fauteuil, il aurait sûrement affirmé à sa femme Yvonne, présente à ses côtés, qu’il avait encore gagné cette partie de cartes solitaire.