"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')

mardi 26 juillet 2011

La plaie des sujets "météo" à la radio-télé

«Tell me something I don’t know» : racontez-moi quelque chose que je ne sais pas. C’est l’essence du journalisme : donnez-moi des nouvelles, informez-moi, dites-moi ce que j’ignore.
Cette loi élémentaire est de plus en plus oubliée par les médias grand public, radios et télés. Cette dérive est illustrée par la profusion des sujets liés aux conditions atmosphériques. Il fait froid en hiver, il fait chaud en été. Variantes : il fait doux en hiver, il fait frais en été. A chaque fois, déluge de reportages.

En cas d’été maussade, vous n’échapperez pas aux campeurs pataugeant dans la boue sous un ciel pluvieux, aux cafetiers geignards, aux marchands de glace déconfits, aux plagistes neurasthéniques.

C’est cette thématique que nous subissons en ce moment. Juillet est assez moche. Si je suis dans une région touchée par des conditions climatiques médiocres, pas besoin des médias pour me l’apprendre : je n’ai qu’à regarder par la fenêtre.

Le temps qu’il fait n’est pas une information qui mérite d’être relayée et illustrée à qui mieux mieux. Les prévisions météorologiques occupent suffisamment de temps d’antenne par ailleurs.

Mais les rédacteurs en chef ont des certitudes bien ancrées qu’ils assènent péremptoirement dans les conférences de rédaction : «Vous avez vu le temps qu’il fait ? Les gens ne parlent que de ça !». Si «les gens» en parlent, les médias meurent d’envie d’en parler. C’est l’accompagnement psychologique de l’auditoire. Il faut impérativement être en empathie.

Alors, l’hiver, dès le premier flocon repéré aux abords du périphérique parisien, on voit surgir des reporters emmitouflés, plantés sur le bitume qui peine à blanchir. Alerte générale : de la neige en hiver sur l’hémisphère nord !

L’été, s’il fait chaud, c’est le dispositif canicule, bien rôdé, qui est déclenché : reportage obligatoire dans une maison de retraite où l’on veille au rafraichissement et à l’humidification des anciens. Autre déclinaison possible : bébé et la chaleur.

Quand l’été est un peu pourri, comme en ce moment, le poncif, c’est d’aller interviewer les touristes décontenancés et les professionnels du tourisme. «Les professionnels du tourisme font grise mine», entend-on. Ils font toujours grise mine, même quand il fait beau.

Avez-vous jamais entendu un hôtelier ou un restaurateur se déclarer satisfait de sa saison, même si la caisse est pleine ? Et connaissez-vous un vacancier épanoui s’il n’y a pas de neige en hiver à la montagne ou de soleil l’été au bord de la mer ? Ce n’est pas de l’information. C’est du remplissage.

1 commentaire:

DominiqueD. a dit…

Tirer ainsi sur la ficelle, par facilité, jusqu'à la nausée, cela va finir par couter cher aux journalistes. Il y a des mauvaises habitudes dont il est difficile ensuite d'aller à l'encontre.

S'ils donnent d'eux-mêmes du grain à moudre à ceux qui sont aux manettes des finances, s'ils leur donnent ainsi l'idée que les journaux peuvent être se faire à bas cout, cela va être difficile ensuite de relever la tête, dans un contexte global de réduction des couts, d'autant que le journalisme d'investigation n'est pas tellement la norme en France. De fait, entre le remplissage météo, les sujets rebattus jusqu'à plus soif et sur lesquels on n'a pas grand chose à dire sur le fond (DSK), les interviews plan-plan... Je crois que le mal est déjà fait.

Le modèle de Métro ou de 20minutes a gagné, et a contaminé le 13h et le 20h. De fait, je considère désormais que cette profession inclut malheureusement trop de nombreux "passe-plats".

A l'heure de la mondialisation, on est entré conjointement dans l'ère des passe-plats, comme l'était Bush (qualifié de marionnette par Philip Roth), comme l'est le gouvernement français face aux conseillers de l'Elysée, comme le sont nombre de journalistes, comme l'est l'assemblée française qui passent plus de 50% de son temps à convertir dans le droit français des directives de Bruxelles... Le vrai pouvoir est, de nos jours, dans l'ombre, encore faut-il vouloir le débusquer.