"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')

jeudi 14 août 2014

Le Point : plus dure sera la chute (de Rome)

Je crois que je vais cesser de me lamenter sur l'agonie de la presse écrite. L'été que nous vivons est fortement chargé en actualité, souvent dramatique : plusieurs conflits armés, une crise sanitaire sérieuse et un marasme économique grandissant en France et en Europe. 
Et pourtant les "news magazines" (pour ne prendre que ce segment de la presse française) multiplient les couvertures lénifiantes, totalement déconnectées des événements importants en cours. 
L'exemple le plus flagrant, le plus grotesque et le plus pitoyable est le nouveau numéro de l'hebdomadaire "Le Point" paru aujourd'hui. La couverture est consacrée, tenez-vous bien, à la chute de l'empire romain ! Sur cette couverture, on peut lire aussi en toutes lettres : "hebdomadaire d'information". Pour 3,80€, c'est une tromperie sur la marchandise.

La chute de Rome ? Quoi, la semaine prochaine ? 

Je propose : "Cléopâtre avait le nez creux", "la vie sexuelle de Napoléon à Saint-Hélène", "la face cachée de Gengis Khan", "tout sur l'amant de Jeanne d'arc", "Clovis était-il bègue ?", "Charlemagne ne savait pas lire". Du neuf, du frais, du contemporain. 
Ça se vend sur les plages et dans les campings, disent les directeurs de marketing qui aujourd'hui dirigent les médias. Les lecteurs rejettent les nouvelles anxiogènes, ajoutent-ils. C'est tellement éreintant aussi, quand on est journaliste, de s'intéresser à ce qui se passe dans le monde en ce moment. Faudrait enquêter, aller sur place. Plus le temps, plus l'argent.
Alors on va fouiller les poubelles toujours pleines de l'Histoire. En grattant, on trouve toujours au fond un petit reste qu'on fait réchauffer. Cette semaine, le ragoût du chef, c'est "chute de Rome". "Le Point", par cette publication, annonce de manière allégorique son inexorable disparition. Les autres journaux du même acabit seront alignés, peu à peu, dans le carré des naufrages, au cimetière Gutenberg.

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